Kate Winslet et Lee Miller

par Thierry Gandillot |  publié le 11/10/2024

Sorti le 9 octobre, le film d’Ellen Kuras sur la photographe de guerre Lee Miller est une réussite.

LEE MILLER de Ellen Kuras, avec Kate Winslet, d'après le livre de Antony Penrose, affiche française. (Photo 55 Films - Brouhaha Entertainmen / Collection ChristopheL via AFP)

Tout commence par une table. Pas pour la faire tourner, mais pour mettre des gens autour. Kate Winslet (Titanic, Les Noces rebelles, Avatar …) adore cuisiner et inviter. Quand elle achète aux enchères dans les Cornouailles, il y a une dizaine d’années, une magnifique table en bois noueux, elle apprend aussi son histoire : le meuble a appartenu à la famille du mari de la photographe de guerre Lee Miller. S’y sont retrouvés pour de réjouissantes agapes, Paul et Nusch Éluard, Max Ernst, Noël Coward, Lee Miller, donc, et son mari Roland Penrose.

Intriguée par le personnage de Lee Miller, Kate Winslet commence des recherches qui la passionnent au point d’envisager un film. Car à sa grande surprise, il n’en existe aucun. Quand Kate interroge Antony Penrose, le fils de Lee Miller, celui-ci répond : « Beaucoup d’hommes ont voulu faire un film sur Lee et nous avons au grenier tout un carton de scénarios qui sont restés lettre morte. Tout simplement parce qu’ils n’avaient pas su la comprendre. »

Apparemment, Kate a réussi à la comprendre. Le film dont elle a confié la réalisation à Ellen Kura débarque enfin sur les écrans.

Lee Miller avait vécu une première vie avant de devenir l’une des plus emblématiques reporter de guerre de l’histoire. Née en 1907 dans l’État de New York, cette jeune femme au caractère affirmé commence par être mannequin, en particulier pour « Vogue ». Mais elle se lasse vite d’être photographiée, toujours par des hommes, et s’installe à Paris pour étudier la photographie surréaliste auprès de Man Ray. Elle en profite pour inventer la technique de la solarisation permettant d’obtenir un cliché aux tonalités inversées. Elle monte ensuite son propre studio. Tombée amoureuse de Roland Penrose, un marchand d’art anglais, elle vit à Londres quand la seconde guerre mondiale éclate.

Peu à peu, Lee se convainc que la place d’une photographe n’est pas à Londres mais au front pour témoigner. Elle partira, malgré les risques, bien sûr, mais aussi contre la volonté de ses proches – son mari en tête -, du journal qui l’emploie, « Vogue », et, surtout, des militaires qui refuseront longtemps sa présence sur le champ de bataille. Mais devant son courage et sa détermination, les généraux eux-mêmes finiront par l’adopter, puis par l’admirer. Ses reportages sont publiés dans « Vogue », même si certains clichés, jugés trop violents sont mis de côté. Ce qui provoque la fureur de Lee.

Le film est construit de façon classique : un jeune journaliste admiratif vient interviewer une célébrité au soir de sa vie. La photographe n’est pas commode, mais, entre deux whiskies, finit par se livrer, ses propres clichés servant de points de bascule pour de nombreux flash-back : les femmes tondues à la libération de Saint-Malo, la salle de bain d’Hitler, Dachau, le suicide de familles nazies …

Le film met un peu de temps à démarrer, mais à mesure qu’on plonge dans la guerre, il gagne en émotion. Portée par son modèle auquel elle voue une admiration passionnée, Kate Winslet parvient à nous faire aimer Lee Miller avec ses certitudes et ses doutes, ses coups de gueule, ses fous rires, son enthousiasme et sa mélancolie. « On voulait être avec elle, explique Kate Winslet, entendre sa respiration, voir ce qu’elle voyait et comprendre viscéralement ce qu’elle traversait pour mieux cerner sa personnalité et les raisons qui l’ont poussée en tant que femme à plonger au cœur des ténèbres. » Mission accomplie.

Lee Miller, un film d’Ellen Kuras
avec Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård, Marion Cotillard, Noémie Merlant, Josh O’Connor, Andrea Riseborough, 1h56.

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture