La CAN ou le « soft power » du ballon rond

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 20/01/2024

En Côte d’Ivoire, la Coupe d’Afrique des Nations de football, quel que soit le résultat sur le terrain, est déjà bénéfique pour l’influence internationale d’Abidjan

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) est sans conteste l’évènement sportif le plus important du continent, celui du sport-roi:  le football.  Toute proportion gardée, il en est de cette compétition sportive comme des Jeux Olympiques cette année en France : en faire l’éclatante démonstration de la puissance et du rayonnement du pays d’accueil.

En 2024, la CAN se tient en Côte d’Ivoire pendant quatre semaines depuis le 13 janvier. C’est l’occasion pour le pays d’ouvrir de nombreux nouveaux chantiers. Et aussi l’opportunité de lancer une nouvelle stratégie, permettant au pays et à son président Alassane Ouattara d’affirmer un leadership sur l’Afrique de l’Ouest. Une prééminence contestée toutefois, notamment au Sénégal., pays d’ailleurs vainqueur de la dernière CAN en 2022. Il est donc convenu, comme le répète Ouattara, que cette CAN sera « la plus belle de l’histoire ».

Son pays s’y prépare depuis près de dix ans, d’autant mieux que la précédente édition tenue quarante ans plus tôt en 1984 avait laissé de mauvais souvenirs, en particulier sur le plan sportif. Il n’est pas certain que les performances des Éléphants, l’équipe nationale, les mettent en mesure de remporter le trophée. Pour autant, la Côte d’Ivoire et ses dirigeants veulent réussir cette épreuve. Le récent changement de Premier ministre et du ministre des Sports a d’ailleurs été interprété comme destiné à assurer la qualité et la sécurité de la compétition comme la réalisation définitive des chantiers correspondants. Accueillir pendant quatre semaines plus de 5000 journalistes issus de 70 pays doit faire de la CAN une véritable vitrine des succès du pays.

Car la Côte d’Ivoire a vu grand. Ne serait-ce que parce la compétition elle-même a beaucoup grandi. De huit pays en 1984, ils sont maintenant 24 à s’affronter, soit près d’un pays africain sur deux. L’enchainement des manifestations est donc plus complexe, l’investissement plus lourd. Il est estimé à 1,5 milliard de dollars, soit l’équivalent de 7 % du budget national. Le déploiement des différents matches concerne cinq villes, Abidjan et San Pedro comme en 1984, mais aussi Yamoussoukro, la capitale politique du pays, Bouaké et Korhogo. Toutes cités qui nécessitent des infrastructures nouvelles, susceptibles de donner un coup de fouet aux équipements publics du pays, voire de développer une politique touristique de long terme, encore embryonnaire.

 La compétition a démarré depuis plusieurs jours avec une cérémonie d’ouverture à la hauteur du spectacle grandiose espéré. Les premiers matches se sont déroulés comme prévu. Certes, les pelouses des stades risquent de souffrir, toutes les routes ne sont pas achevées, des équipements d’accueil sont encore en chantier, et la billetterie des matches soulève encore de nombreuses protestations. Mais qu’importe, surtout si le résultat sportif du pays est honorable.
Sur un plan plus politique, ce sont aussi d’autres enjeux essentiels dans cette partie de l’Afrique. La perspective d’un troisième mandat pour, en 2025, se dessine. Mais surtout, s’affirme le découplage géopolitique de l’Afrique de l’Ouest et de ses institutions régionales : d’un côté le Sahel et l’influence russe qui s’y accroit, de l’autre, une Côte d’Ivoire toujours attachée à ses liens avec la France et sa présence militaire.

Jean-Paul de Gaudemar

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