La démocratie caporalisée

par Laurent Joffrin |  publié le 08/06/2023

La réforme des retraites est légale, bien sûr, mais qui peut dire qu’elle est légitime ? Une réforme constitutionnelle s’impose

Assemblee Nationale Francaise- Photo Riccardo Milani / Hans Lucas

Merveilleuse Cinquième République ! Voici une réforme des retraites dénoncée par tous les syndicats, rejetée par les deux tiers des Français, minoritaire au Parlement : elle est néanmoins adoptée et promulguée.
Tour de force, dont on cherche vainement l’exemple dans d’autres pays démocratiques. Les pères de la constitution avaient mis en place un « parlementarisme rationalisé ». Voici le parlementarisme corseté, parqué, caporalisé…

En 1962, le Général de Gaulle avait lui aussi imposé contre le parlement l’élection du président au suffrage universel. Mais il était passé par la voie référendaire, et obtenu une majorité dans le pays. En 1969, il avait voulu rééditer la même opération avec une loi de régionalisation : il a été battu et il a démissionné dans le quart d’heure. Emmanuel Macron s’est bien gardé de s’engager sur cette voie, qui aurait débouché sur une défaite en rase campagne.

Qui peut dire que sa méthode, certes légale, ressort d’un fonctionnement sain des institutions ? Personne. Qui peut, dès lors, défendre le statu quo constitutionnel ? L’affaire des gilets jaunes l’avait déjà montré : la démocratie française a besoin d’une redéfinition. Les propositions de réforme abondent, de la transformation totale (retour au régime d’assemblée, type Sixième République) jusqu’à la simple retouche qui revalorise le Parlement et instille une part de proportionnelle dans les législatives.

À vrai dire, il est un changement simple, qui permettrait de restaurer la légitimité de la loi sur les sujets les plus importants : la simplification de la procédure référendaire, qui permettrait à une fraction des citoyens, et donc aux oppositions, de provoquer un scrutin national sur les sujets importants. Cette procédure existe, mais ses modalités sont si restrictives qu’elle est en fait inapplicable. Il suffit de les assouplir pour la rendre opérationnelle.

Bien sûr, cela demande réflexion, précision, garde-fous constitutionnels. Certains sujets déplairont fortement à la droite – un référendum sur la taxation des hauts patrimoines, par exemple – et à la gauche – une consultation sur l’immigration – mais c’est le plus sûr moyen de rendre la parole au peuple.

Il y a des incertitudes ? Oui : ce sont les incertitudes de la démocratie. Elles valent mieux que la certitude d’une démocratie sans le peuple.

Laurent Joffrin