La faute des Verts
On s’étonne que les écologistes soient à la traîne dans ces élections européennes. Est-ce vraiment si surprenant ?
Le parti vert stagne dans les sondages à un niveau dangereux, qui pourrait le priver de toute représentation au Parlement européen. Contrairement à ce qu’on entend parfois, leur candidate n’est pas en cause : Marie Toussaint est une jeune femme éloquente, compétente et sincère ; même si son début de campagne a dérouté le public, elle a depuis rectifié le tir et tenu un discours clair et cohérent. Non, il faut craindre que l’affaire vienne de plus loin.
Depuis deux ou trois ans, quels sont les écologistes qui ont le plus fait parler d’eux ? Un nom vient aussitôt à l’esprit : Sandrine Rousseau. Experte dans l’usage des réseaux et des télévisions, elle a multiplié les éclats les plus baroques qui ont changé l’image des Verts en France. Croit-on par exemple que la dénonciation des barbecues, pour elle symboles d’un machisme pollueur, a servi le parti vert ? Ou bien a-t-elle répandu l’idée que les défenseurs de la planète veulent désormais régenter à coups de dénonciations moralisantes les gestes quotidiens les plus anodins ? Et la juste cause des femmes victimes d’agressions sexuelles et sexistes passait-t-elle par l’abolition pure et simple de la présomption d’innocence et par la condamnation d’un accusé sans enquête équitable, comme on l’a vu dans l’affaire Bayou ? Il est permis de poser la question.
Le militantisme écologiste s’est aussi illustré par des manifestations hostiles à la « mégabassine » de Sainte-Soline. Soit. Mais était-il vraiment judicieux, de la part des responsables verts, d’imputer à la police l’unique et entière responsabilité des violences, alors même que chacun a pu voir certains militants bombarder les gendarmes à coups de pierre et de boules de pétanque ? De la même manière, sur un mode heureusement plus pacifique, était-ce vraiment une bonne idée que de lancer des giclées de soupe sur la Joconde, en choquant une opinion qui pense platement qu’on doit le respect aux oeuvres d’art ?
Les militants radicaux se glorifient de ces provocations et se gargarisent de leur écho médiatique. Illusion égotiste : outre que les médias sont déjà emplis d’informations alarmantes sur le devenir de la planète et ne cessent d’alerter l’opinion, peut-être devraient-ils aussi se demander si ces actions sont si bénéfiques, quand elles donnent de l’écologie politique une image agressive, intolérante et déconcertante. Quand on veut défendre la Terre, doit-on user de méthodes lunaires ?
Faire parler de soi est une chose, gagner les élections en est une autre. Il arrive un moment où le bruit médiatique se retourne contre les bruiteurs. C’est l’éternel problème de la radicalité. L’outrance et la provocation réveillent parfois les consciences mais elles repoussent souvent les électeurs. Or il est une loi d’airain en démocratie : pour changer la société, il faut rassembler une majorité.