La fonte de l’Antarctique-ouest inévitable

publié le 28/10/2023

Selon la revue Nature Climate Change, la fonte de la partie ouest de l’Antarctique est désormais inéluctable. Est-ce grave, docteur ? Par Jacques Treiner

Un manchot Adélie près de la station de recherche New Harbor près de la station McMurdo en Antarctique - Photo Mark RALSTON / AFP POOL / AFP

On pense tout de suite à l’augmentation du niveau de la mer que cette fonte pourrait produire, et sur l’échelle de temps mise en jeu dans ce processus.`

Une première distinction s’impose entre glaces de mer, banquise et glaces continentales , reposant sur un socle rocheux. La fonte de la banquise n’induit aucune augmentation du niveau de la mer, pas plus que la fonte d’un glaçon n’augmente le niveau du liquide dans un verre de whisky. Mais cette fonte remplace une surface blanche réfléchissant 90 % du rayonnement solaire qu’elle reçoit, par de l’eau qui absorbe 90 % de ce rayonnement, d’où un réchauffement local plus accentué.

C’est ce qui fait que le réchauffement climatique est deux à trois fois plus marqué aux hautes latitudes qu’aux basses.

La fonte des glaces continentales, en revanche, provoque une augmentation du niveau des mers, dont le potentiel laisse rêveur : environ 7 mètres pour la fonte du Groenland, près de 60 mètres pour la fonte de l’Antarctique, auxquels il faut rajouter l’effet de la dilatation thermique de l’eau). Adieu toutes les villes côtières du monde ! Paris étant à 25 mètres d’altitude, on pourra toujours se rendre de la Butte Montmartre aux Buttes Chaumont en pédalo… Mais l’échelle de temps est ici de plusieurs milliers d’années, peut-être de quoi tenir jusqu’à la prochaine ère glaciaire. Ouf !

Qu’a donc de particulier la partie Ouest de l’Antarctique ? Ceci : de nombreux glaciers continentaux s’y prolongent en mer au-delà du socle rocheux sans flotter, leur maintien étant assuré par la cohésion de la glace. Ces plaques de glace sont particulièrement importantes de part et d’autre de l’isthme qui sépare la partie Est de la partie Ouest. Si ces plaques sont attaquées par une mer qui se réchauffe, ils sont menacés d’une débâcle qui, alors, contribue à l’augmentation du niveau de la mer.

L’Antarctique ne disposant pas de stations météo en nombre suffisant pour assurer un suivi de cette évolution, les chercheurs ont fait tourner des modèles informatiques simulant le réchauffement global. Certaines incertitudes demeurent, car la résolution numérique n’est pas toujours suffisante pour saisir des effets à petite échelle spatiale, mais les conclusions sont cohérentes avec le fait que la surface de la banquise antarctique a atteint un minimum record cette année : elle a diminué de plus de 2 millions de km2, sur un total d’environ 16.

Rappelons enfin que le réchauffement climatique à l’échelle 2050 est déjà joué, compte tenu des émissions passées de gaz à effet de serre. Ce que nous faisons aujourd’hui – ou ne faisons pas ! – n’affectera le climat de la planète qu’à la fin du siècle…  

On en saura plus lors de la tenue du One Planet Polar Summit, du 8 au 10 novembre au Museum d’histoire naturelle de Paris, où des chercheurs du monde entier feront le point des connaissances concernant les glaciers et les pôles.

À suivre, donc !

Jacques Treiner, physicien