La gauche doit tendre la main !

par Laurent Joffrin |  publié le 11/07/2024

S’il cède aux oukases mélenchonistes, le Nouveau Front Populaire ne pourra pas gouverner. Il doit négocier avec le centre.

Laurent Joffrin

Ils ont raison, ces pétitionnaires qu’on peut difficilement soupçonner de trahir la gauche, José Bové, Ariane Mnouchkine, Cyril Dion, Aurélie Filippetti, Benjamin Stora, Christophe Prochasson, Noël Mamère et bien d’autres : le Nouveau Front populaire ne peut pas gouverner tout seul. Titre de leur tribune dans Le Monde : « Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine ». C’est parler d’or.

Toujours tympanisée par Jean-Luc Mélenchon, qui veut « tout le programme, rien que le programme », la gauche fait mine de croire qu’un éventuel gouvernement du Front Populaire pourrait sans difficulté faire avaliser toutes les mesures prévues dans son pacte électoral avec LFI, par une Assemblée où il est minoritaire et où les deux tiers des députés ne sont pas de gauche. Aimable plaisanterie.

Négocier

La vérité, c’est qu’il faudra batailler pied à pied pour gouverner et faire passer les projets qui tiennent à cœur à la gauche. Dans cette perspective – qui n’a rien de tangible tant que LFI fait obstacle à la présentation d’un futur Premier ministre socialiste, seule solution raisonnable – il faudra bien négocier avec la future opposition au gouvernement de gauche, qui sera mathématiquement majoritaire. C’est la volonté des électeurs, confirmée par un sondage d’hier : les Français préfèrent une coalition de centre gauche aux oukases mélenchonistes. Sinon, ils auraient donné une majorité claire et nette au Nouveau Front Populaire. Ce qu’ils n’ont pas fait : les caciques de la gauche devraient s’en rendre compte.

Il faut donc, comme le disent les signataires du texte du Monde, « tendre la main ». Exactement comme le disait Maurice Thorez à l’époque du Front Populaire (l’autre, celui de 1936). Rappelons un épisode de cette époque, dont Mathilde Panot, spécialiste de Léon Blum, est une experte reconnue : au lendemain de la victoire, Marceau Pivert, socialiste de tendance révolutionnaire, proclame que « tout est possible », c’est-à-dire la révolution socialiste, ce à quoi les dirigeants de la SFIO et du PCF répondent que « tout n’est pas possible ». Effectivement, quiconque considère cette période du mouvement ouvrier, « tout » n’était pas possible. Il en est quand même sorti les congés payés, la semaine de quarante heures, l’Office du blé, le pouvoir syndical, le recul du patronat et, surtout, la dignité ouvrière reconnue au sommet de l’État. Une paille…

C’est un gouvernement de ce type qu’il faut aujourd’hui à la gauche et à la France, qui défende fièrement la République et qui puisse arracher au RN l’adhésion des classes populaire. Un gouvernement élargi, comme en 1936, aux progressistes en général, seraient-ils macronistes. Certainement pas les fumisteries bolivariennes de Mélenchon, mais un gouvernement ouvert sur les forces républicaines, prêt aux compromis, déterminé à redresser le pays et à faire droit aux justes revendications des classes populaires, et un non un ersatz anachronique de la dictature des « commissaires du peuple » dont rêve la France insoumise.

Laurent Joffrin