La gauche peut-elle encore gouverner ?
Oui, mais à condition que la gauche radicale change radicalement de comportement. On peut toujours rêver…
La gauche a refusé d’élargir sa coalition. D’autres l’ont fait : ils ont gagné (le perchoir). Est-il trop tard pour renverser la tendance ? Non, si les chefs du Nouveau Front Populaire se rendent compte de leur erreur.
Il était possible, en effet, de former une majorité relative élargie qui remporte plus de voix que la prévisible coalition de la droite et du centre. Le score a été très serré. Avec une vingtaine de députés en plus, la gauche arrivait première dans le vote pour la présidence de l’Assemblée et prenait une option sur Matignon. Tout électeur de gauche, constatant se gâchis, ne peut ressentir autre chose que de l’amertume et de la colère.
Mais pour arriver à cette majorité capable de gouverner, quitte à se reposer sur une majorité relative, il eût fallu tendre la main dès le premier jour, appeler à l’élargissement, profiter de la dynamique du Front républicain pour donner à la gauche l’hégémonie en son sein. Beaucoup de députés macroniens réprouvent au fond d’eux-mêmes l’alliance de leur parti centriste avec la droite. Mais face à l’intransigeance de LFI, l’autre option, l’union gouvernementale avec la gauche, leur était fermée.
« Le vrai Front populaire était une alliance réformiste, défensive, comprenant un parti centriste et où la gauche radicale de l’époque se tenait sur une prudente réserve pour ne pas gêner l’union »
Est-il trop tard ? Non, si la gauche annonce clairement qu’elle ne réclame plus l’application intégrale de son programme, qu’elle est prête à négocier avec les centristes de bonne volonté qui feraient l’appoint et, surtout, que LFI n’est pas la force dominante, qu’elle adopte un langage humain, qu’elle joue la défense de la République et non l’intégrisme sectaire qui lui sert de boussole depuis le 7 juillet. Qu’elle comprenne enfin ce qu’était le Front populaire, le vrai : une alliance réformiste, défensive, comprenant un parti centriste (les radicaux) et où la gauche radicale de l’époque, le PCF, se tenait sur une prudente réserve pour ne pas gêner l’union.
Un tel programme de compromis est parfaitement réalisable : augmentation du pouvoir d’achat des classes populaires à la suite d’une vaste conférence sociale, un financement trouvé en rapportant les réformes fiscales de Macron, un compromis honorable sur les retraites, une politique de sécurité qui combine prévention et sanction, une politique pour le climat qui s’appuie sur le renouvelable et sur le nucléaire, tout en poussant l’isolation des bâtiments et la popularisation de la voiture électrique, un partage nouveau du pouvoir dans le entreprises, un plan de redressement industriel prenant en compte l’objectif climatique, une réforme démocratique de la Ve République, un effort prioritaire en faveur des services publics, etc.
Seulement voilà : Mélenchon n’est veut pas. Il fait insulter par ses épigones tous ceux qui plaident en ce sens, à commencer par Laurence Tubiana. Il vise en fait la crise de régime pour obliger Macron à démissionner. La gauche est l’otage de cette stratégie du pire. Il est temps qu’elle le comprenne.