La génuflexion de Barnier
Le Premier ministre accorde au RN ce qu’il a refusé aux autres forces politiques. Par cette courbette, il rend un éminent service à la cause lepéniste.
Les fourches caudines, le voyage à Canossa, la reculade d’Olmutz… les métaphores historiques ne manquent pas pour qualifier le geste de Michel Barnier face à Marine Le Pen. Gardons le sens des proportions : cette demi-reddition du Premier ministre devant les exigences du RN ne restera pas dans l’Histoire. En renonçant à sa taxe sur l’électricité, en demandant un rapport sur la proportionnelle et en réduisant le champ d’application de l’Aide médicale d’État (AME), le Premier ministre a consenti à un recul qui restera circonscrit à la catégorie des humiliations médiocres (même si, au bout du compte, les Français verront leur facture d’électricité diminuer, ce qui est toujours ça de pris).
Cette génuflexion devant le lepénisme a un sens : après avoir refusé tout geste tangible envers la gauche – ou envers les socialistes, puisque LFI a depuis longtemps refusé toute perspective de compromis – Michel Barnier a tendu la main au RN et promis une amodiation significative de son budget. Exemple : l’abandon de la taxe sur l’électricité coûte quelque 3 milliards. Il a donc choisi de toute évidence un camp contre un autre, alors même que le seul message clair émis lors des dernières législatives était justement de tenir le RN hors du pouvoir. Et comme Marine Le Pen, faisant toujours la fine bouche, menace de voter malgré tout la censure du gouvernement avec la gauche, on se demande jusqu’où ira cet exercice de soumission.
Le RN demande deux autres concessions importantes et exige surtout qu’on lui attribue – et à lui seul – le mérite de ces amendements. Il pourrait aussi exiger que Barnier se rende au siège du RN en chemise et la corde au cou, apprenne par cœur l’hymne frontiste ou bien se rende le 1er mai prochain sous la statue de Jeanne d’Arc…
Plus sérieusement, si ce pas de deux continue, le Premier ministre aura surtout décerné au RN son brevet de parti de gouvernement, coconcepteur de la politique gouvernementale, défenseur des classes populaires et intercesseur de la colère des électeurs. On peut difficilement lui rendre meilleur service. Ainsi va le macronisme, qui devient, en même temps, l’Attila des finances publiques et le marchepied de la droite nationaliste.
Ce qui devrait aussi faire réfléchir la gauche. Pourquoi n’aurait-elle pas, elle aussi, défini quatre ou cinq priorités principales de son cru dont l’acceptation l’aurait dispensé de voter la censure ? Parce que LFI n’en veut pas et n’agit que pour obliger Macron à partir. C’est ainsi que la veulerie de la droite macronienne alliée à l’intransigeance du NFP permettent au Rassemblement national d’occuper la scène, de mettre le gouvernement à sa main et de gagner ses galons de parti responsable.