La grande colère des juifs de France
Certains sont tentés de voter Rassemblement National. D’autres, même de gauche, hésitent à choisir le Nouveau Front Populaire. Le fautif ? La France Insoumise.
« Le Front populaire est coupable de traîner avec des salopards. » Asséné par l’un des plus hauts responsables des juifs de France, ce commentaire en dit long sur la colère de la communauté juive et la tentation de certains de ses membres de voter pour le Rassemblement National. Une colère, qui vient de loin, du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. « Il manquait 500 à 600 000 voix à Mélenchon pour accéder au deuxième tour. Il est allé les chercher dans les quartiers », accuse le même commentateur. Ce qui a conduit le leader de LFI à « utiliser des codes électoraux à destination des pro-palestiniens, voire des musulmans, ce qui est pareil », dans une optique d’importer en France le conflit israélo-palestinien. Tout s’est accéléré avec le 7 octobre et le refus de Jean-Luc Mélenchon de nommer le Hamas organisation terroriste. Depuis, LFI a placé Gaza et la cause palestinienne au cœur de sa campagne pour les élections européennes.
« LFI alimente l’antisémitisme en France. Ils veulent défaire la République. Donc, entre des fascistes RN qui se disent repentis et les nouveaux fascistes de LFI, le choix est fait » : voilà, porté par l’un de leurs porte-drapeaux, le raisonnement viscéral que tiennent dans la France d’aujourd’hui beaucoup de personnes de confession juive. Les récentes déclarations de Serge Klarsfeld, inlassable chasseur de nazis et défenseur de la mémoire de la Shoah, ont fini de les décomplexer, maintenant qu’il se dit convaincu que « l’État ne traite plus les véritables causes de l’antisémitisme ; car les juifs n’ont plus affaire à un antisémitisme d’agression de l’extrême-droite, mais à un antisémitisme d’agression des islamistes ». Ainsi, il ose affirmer tout haut, qu’à l’instar de fils Arno, il voterait RN plutôt que LFI, en cas de duel au deuxième tour.
Explosion de l’antisémitisme
Peut-on le comprendre ? L’année 2023 a vu une explosion de l’antisémitisme en France, avec 1 676 actes, une hausse de + 284 %, soit quatre fois plus qu’en 2022, dont les trois-quarts sont intervenus dans les trois derniers mois de l’année, entre octobre et décembre 2023. Au même moment, parmi les minorités françaises (noirs, musulmans), la baisse la plus forte de la tolérance est à l’égard des juifs, passée de 72 à 68.
Dans un très beau texte adressé à Serge Klarsfeld, les deux historiens Denis Peschanski et Renée Poznanski, regrettent que « en intervenant ainsi dans les débats internes du Rassemblement national, tu contribues à légitimer ce Parti, tu apportes la caution de ton prestige à la normalisation dont tu contestais avec justesse la crédibilité dans tes interventions passées et encore récentes ».
Bien sûr, tous ne vont pas aussi loin. Mais ils peinent à masquer leur malaise. Anne Sinclair, autrefois militante acharnée contre le Front National, réfute aujourd’hui toute possibilité de voter LFI, quelle que soit la configuration. Et son ex-mari, Dominique Strauss-Kahn paraît bien isolé lorsqu’il appelle à « empêcher la venue au pouvoir de l’extrême-droite, fût-ce en se bouchant le nez, pour éviter le pire ».
Le faible niveau de diplôme et l’insécurité économique demeurent les facteurs clés de l’antisémitisme. Mais pour les juifs de France, le diable s’appelle LFI. Et ses alliés avec elle.