La guerre de Zemmour
Le leader de Reconquête agite sans cesse le spectre de la guerre civile. Avec une idée bien précise derrière la tête
Nous allons tout droit vers une guerre civile, dit Éric Zemmour. Outrance d’extrémiste ? Fantasme d’ultra-droite ? Pas seulement. Il y a derrière cette rhétorique de la catastrophe un calcul plus tortueux, porteur de graves dangers futurs.
Guerre civile ? Quiconque est doté d’un peu de bon sens voit la fausseté du propos. On emploie le terme pour désigner des affrontements armés qui jette une partie de la nation contre l’autre, divise les familles, engendre toutes sortes d’atrocités et donne lieu à des opérations militaires d’envergure. Ainsi de la guerre civile espagnole, de la « Civil War » américaine, les affrontements libanais, du conflit entre rouges et blancs dans la Russie des années 1920, etc. Pas grand-chose à voir avec les violences urbaines que nous vivons en France.
Non pour les minimiser : les émeutes de ces derniers jours ont atteint un niveau de violence inédit, elles ont fait de nombreux blessés de part et d’autre, notamment dans les rangs policiers, elles auront un coût faramineux, elles ont même donné lieu à des tentatives d’assassinat et à des tirs de fusil à pompe ou de kalachnikov. Nous ne sommes pas loin de la guérilla urbaine.
Mais nulles forces armées constituées, nulle organisation militaire, nul partage de la population en deux camps équivalents. Bien plus une habitude de la délinquance chez une partie des émeutiers qui débouche sur des actions coordonnées par de petits groupes très agressifs. Des émeutes, en un mot, telles qu’on en a vu en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou… en France en 2005.
Alors, pourquoi parler de guerre civile ? Pour une raison plus contournée. Une partie de l’extrême-droite communie bruyamment au thème du « grand remplacement », autre outrance émanant du même courant. Croit-elle ce qu’elle dit ? On ne sait, mais elle fait comme si. Or le remplacement en question, aux yeux de ceux qui en agitent l’épouvantail, appelle des mesures extraordinaires.
Zemmour, on le sait, est favorable, sans trop le dire, à une politique de « remigration » qui consisterait à «renvoyer dans leur pays » des centaines de milliers d’étrangers — et de Français issus de l’immigration — de manière à rétablir la « pureté ethnique » du pays. Chose impossible à faire dans le cadre constitutionnel actuel. Il y faudrait des circonstances exceptionnelles : une guerre civile par exemple, qui ferait sauter toutes les garanties juridiques qui interdisent la « remigration ».
Zemmour souhaite-t-il cette guerre civile ? Il s’en défendra, bien sûr. Mais ceux qui le connaissent savent qu’il tient en privé des propos encore plus extrêmes qu’en public. Dès lors, le soupçon est fort : autoproclamé sauveur de la France, il ne peut endosser ce rôle, dans sa vision pathologique, qu’en cas de catastrophe nationale.
Déjà, dès le deuxième jour des violences récentes, il évoquait la mise en œuvre de l’article 16 de la constitution, qui donne les pleins pouvoirs au président de la République et instaure par là même un régime d’exception. D’où cette rhétorique de guerre civile qu’il emploie à tout propos.
Ce qui conduit à une conclusion simple : derrière le légalisme de Reconquête, le parti zemmourien, il y a une ambition de factieux.