La guerre jusqu’où, la paix par où ?

publié le 06/01/2024

Rarement les conflits ont été aussi nombreux dans le monde, menaçant à chaque instant de dégénérer en affrontement général. Pourtant l’étroit chemin de la paix n’a pas disparu. Par François Hollande

Le président français François Hollande au palais de l'Élysée à Paris, le 11 mai 2017. -Photo JOEL SAGET / AFP

En ce début d’année, la guerre s’installe durablement partout ou presque sur la planète. En Ukraine, Poutine a intensifié les frappes sur les populations civiles et les missiles lancés en riposte par Kiev touchent désormais des villes russes. À Gaza, des centaines de milliers de Palestiniens tentent d’échapper aux bombardements quand le Hamas, qui détient toujours ses otages, persiste à lancer des roquettes sur Israël. Au Sud-Liban, le Hezbollah multiplie les actes de violence après l’assassinat du numéro deux du Hamas et menace de déclencher le conflit, même s’il craint la réaction d’Israël.

En Irak, les États-Unis ne laissent pas impunies les attaques engagées par des milices chiites contre ses installations. En Syrie, il ne se passe pas de jour sans que des attentats soient commis par l’État islamique, lequel vient de perpétrer au cœur même de l’Iran un acte terroriste de grande ampleur causant la mort d’une centaine de personnes.

En mer Rouge, les Houtis du Yémen s’en prennent par drones et par missiles aux des bateaux accusés de liens avec Israël ; ils obligent les armateurs à détourner leurs navires du Golfe d’Aden par où passe 12 % du commerce mondial, ce qui finira par renchérir le coût des marchandises.

Au Soudan, la guerre civile déborde au-delà des frontières de ce malheureux pays, au Tchad et en Ouganda notamment.

Au Sahel, une fois la France partie, les terroristes infligent aux populations des massacres que les militaires au pouvoir dans chacun des pays concernés, malgré le renfort des milices russes, ne sont pas capables de juguler. Je n’oublie pas la Birmanie, où la junte au pouvoir est contestée par des groupes armés de plus en plus efficaces qui occupent maintenant des villes entières.

Enfin, la Corée du Nord vient de tirer plus de 300 obus vers une île du sud et son leader, qui fournit des missiles à la Russie, a accéléré ses préparatifs militaires en vue d’une guerre pouvant être déclenchée à tout moment. Voilà le tableau, sombre et angoissant…

Les plus lucides constateront que ce sont les mêmes puissances qui activent les feux, les mêmes États qui fournissent les armes..

Les plus optimistes se convaincront que ces incendies certes sont grave pris isolément, mais qu’ils ne sont pas liés les uns aux autres et peuvent donc être maîtrisés sans dégénérer en conflit mondial. Les plus lucides constateront néanmoins que ce sont les mêmes puissances qui activent les feux, les mêmes États qui fournissent les armes, les mêmes alliances qui sont à l’œuvre et qu’une étincelle de plus, malgré les précautions et les réserves des uns et des autres, peut enflammer la planète.

L’issue de la guerre en Ukraine dépend pour une grande partie des élections américaines – pas avant un an – et de la volonté des Européens de soutenir Zelensky autant qu’il le demande. Chaque jour qui passe rend la situation au Proche-Orient plus menaçante pour la paix dans la région et même au-delà. La réponse israélienne à l’attentat du 7 octobre, après trois mois de durs affrontements avec le Hamas et de terribles souffrances pour la population de Gaza, ne peut être prolongée au-delà de l’admissible sur le plan humanitaire et politique.

Affirmer, comme vient de la faire le gouvernement israélien, que 2024 sera « une année de combat », c’est exposer deux millions de Palestiniens à une épreuve qui suscitera une hostilité croissante du monde à l’égard d’Israël et une dénonciation de la passivité occidentale au risque de notre propre sécurité. Imaginer le retour des colonies à Gaza voire, comme l’a prétendu l’extrême-droite israélienne, le départ des Palestiniens de l’enclave, est non seulement un non-sens à tous les points de vue, mais une provocation à l’égard de la communauté internationale.

En revanche, proposer comme l’a fait le ministre de la Défense Yoav Gallant, de sa propre initiative, un plan pour l’après-guerre, est un pas dans la bonne direction. Faut-il encore qu’il reste encore quelque chose et, surtout, quelqu’un à Gaza. En réalité, c’est en Cisjordanie que se joue la fin du conflit. Le gouvernement israélien doit être sommé d’arrêter la colonisation alors qu’elle continue depuis le 7 octobre, et d’entrer en relation avec l’Autorité palestinienne pour la relégitimer, elle-même devant renouveler ses organes dirigeants. Forte de cette nouvelle reconnaissance, celle-ci pourra, au nom des Palestiniens, avec l’OLP, engager un processus de négociation dont le terme sera la consécration d’un État.

Après la tournée de Blinken dans la région, cette semaine, c’est à l’Europe de prendre l’initiative, d’agir, pas seulement de dialoguer, mais de proposer. Mais qui est l’Europe ?