La haine de la République
Mohammed Mogouchkov, l’assassin du professeur Dominique Bernard, a laissé un message de revendication qui doit être médité, notamment à gauche.
Tragique confirmation… Nous rappelions il y a deux jours l’erreur courante à gauche, qui consiste à expliquer peu ou prou les attentats islamistes commis en France par les conditions sociales qui prévalent dans les quartiers populaires. On en connaît la substance : victimes de discrimination, vivant dans un cadre dégradé avec des revenus insuffisants, isolés par l’exil et laissés pour compte, certains habitants des cités trouvent une sorte d’exutoire, ou de revanche, dans l’adhésion aux thèses islamistes, ce qui les pousse vers l’action terroriste.
Sans nier, évidemment, que la misère ou l’exclusion sociale puissent faciliter le recrutement des groupes extrémistes, nous contestions cette analyse. Pour nous, le meurtre découle de la dynamique intrinsèque de l’islam politique et du terrorisme. Il procède bien plus d’une guerre civile entre les musulmans intégristes et les autres à l’échelle mondiale – et sur la rhétorique anti-occidentale qui l’accompagne – que des injustices sociales de tel ou tel pays.
En un mot, l’islamisme n’est pas un produit dévoyé de la lutte des classes, mais l’expression d’un conflit théologico-politique au sein du monde musulman, étendu aux diasporas présentes en Europe, et qui se fonde sur le rejet haineux des valeurs démocratiques.
Voici que Mohammed Mogouchkov, l’assassin du professeur Bernard, vient corroborer ce diagnostic sous une forme à la fois sinistre et éclairante. Cité par Le Monde, voici ce qu’il a dit pour expliquer son geste. « Oh Français, peuple de lâcheté et de mécréants. J’étais dans vos écoles des années et des années, j’ai vécu des années et des années parmi vous, gratuitement. (…) Vous m’avez appris ce qu’est la démocratie et les droits de l’homme, et vous m’avez poussé vers l’enfer. »
Peut-on être plus clair ? Ce n’est pas en raison des discriminations dont il aurait été la victime, ni des difficultés qu’il aurait rencontrées pour s’intégrer à la société française, qu’il a commis son abominable forfait. C’est exactement le contraire. Il reproche à la France républicaine, non de l’avoir négligé ou exclu, mais bien d’avoir fait tous ses efforts pour l’intégrer à la vie nationale.
Rappelons son itinéraire. Sa famille a été accueillie, alors même qu’elle ne remplissait pas les critères de l’asile, sous la pression d’associations de défense des sans-papiers. Il a pu suivre une scolarité normale et, si l’on a bien compris, il était considéré comme un élève intelligent et capable, quoique taciturne et solitaire. S’il n’avait pas choisi l’islamisme, il aurait pu s’intégrer sans trop de difficultés à la société française, qui l’a traité correctement. De toute évidence, c’est son environnement familial, salafiste et djihadiste, qui l’a entraîné au pire, non une quelconque injustice.
Il s’est attaqué, non à un symbole des discriminations ou du racisme, mais à un professeur situé exactement à l’opposé, qui cherchait justement à défendre des principes d’égalité, de liberté et de fraternité. En un mot, il ne s’est pas attaqué à la République parce qu’elle aurait renié ses promesses mais, au contraire, parce qu’elle s’est efforcée de les tenir.
L’islamisme n’est pas une doctrine de justice sociale plus ou moins dévoyée. Il mène un combat culturel et religieux contre la démocratie dans son essence même. Tant qu’on ne l’aura pas compris, on se trompera de stratégie.