La ligne « Joffrin-Cazeneuve-Roussel »
Jean-Luc Mélenchon ne cesse de fustiger la volonté d’autonomie des autres forces de gauche. Et pour cause…
Lu dans le blog de Jean-Luc Mélenchon consacré aux prochaines élections européennes : « Tous voient quelle impasse groupusculaire est la ligne « Joffrin-Cazeneuve-Roussel ». Curieuse expression, qui associe trois personnes qui ne se sont pas concertées, qui n’élaborent pas de « ligne » commune, même si cette proximité n’a rien de déshonorant, au contraire, en tout cas pour le premier d’entre eux.
De quoi s’agit-il ? Un peu fébrile, manifestement, le leader de la France insoumise craint que la gauche, au lieu de s’unir sous son aile lors du prochain scrutin européen, préfère concourir en listes séparées. C’est pourtant, au-delà des raisonnements tactiques en chambre, ce que les sondages unanimes l’incitent à faire, ce que disent, effectivement, et Joffrin, et Cazeneuve et Roussel.
Unie, la gauche remporterait moins de sièges que si chacune de ses composantes concourait de son côté. Pour une raison simple, que Mélenchon a du mal à accepter : LFI rebute beaucoup d’électeurs de gauche. En s’alliant aux Insoumis, les autres partis perdent une partie de leur électorat, qu’ils récupèrent s’ils se présentent seuls.
Et comme l’élection européenne se joue en un seul tour à la proportionnelle (et non à deux tours majoritaires, comme les législatives), c’est l’intérêt commun que de présenter plusieurs listes : cela accroît, in fine, le nombre de députés de gauche.
Comme son nom l’indique, cette élection européenne vise à élire des députés européens : c’est donc bien l’intérêt de la gauche, en France et en Europe, que de conquérir le plus de sièges possible, d’autant que la montée de la droite et de l’extrême-droite dans l’Union fait courir un risque, celui de voir les conservateurs alliés aux nationalistes faire la pluie et le beau temps au Parlement européen.
Mais Mélenchon, hostile à l’Union, se soucie comme d’une guigne du Parlement européen. Tout en prônant la Sixième République, il a intégré jusqu’à la caricature la logique de la Cinquième, où l’élection présidentielle domine toutes les autres.
Comme il souhaite se ménager la possibilité de se présenter, et qu’il veut contraindre les autres forces de gauche à se rallier à lui ou, à défaut, à une candidature de LFI, il redoute plus que tout un scrutin européen qui relativiserait la force électorale des Insoumis.
Or c’est bien ce qui se passerait en cas de listes séparées à gauche. Les sondages indiquent que dans cette hypothèse, le PS, les Verts et les Insoumis seraient au coude-à-coude, autour de 10% des voix chacun. Horreur ! Avec un tel résultat, c’en serait fini de l’hégémonie de LFI sur la gauche.
Répartis en forces comparables, socialistes, Verts, communistes et Insoumis devraient négocier le scrutin suivant sur un pied d’égalité et non sous la férule agressive de la gauche radicale.
Telle est l’hypothèse que Mélenchon appelle « impasse groupusculaire » : le rééquilibrage de la gauche, c’est-à-dire le retour de LFI à son score naturel, soit environ, 10%, et la possibilité pour une gauche délivrée du boulet LFI d’accéder au pouvoir. On comprend que cette perspective puisse plonger le leader LFI dans une noire colère…