« La maladie X »

publié le 20/01/2024

Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond ? L’essentiel

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

Lundi – la tradition de Stanislas

Nihil nove sub sole… J’ai fréquenté Stanislas il y a quelques lustres. Difficile, déjà, à l’époque, de trouver école plus réactionnaire. Catéchisme obligatoire, pesant conservatisme, professeurs ouvertement maurrassiens pour lesquels Voltaire et Rousseau voisinaient l’antéchrist, antisémitisme chronique parmi les élèves issus pour la plupart de la grande bourgeoisie, etc. Manifestement, si l’on en croit un rapport de l’Éducation nationale, la direction de l’école a le souci de maintenir l’héritage. Elle a seulement remplacé l’antisémitisme par l’homophobie et le sexisme. Un « caractère propre » très particulier qu’Amélie Oudéa-Castera pouvait difficilement ignorer. On dit que les traditions se perdent. Pas toutes.

Mardi – Macron nostalgie

Dans les sondages réalisés en vue des élections européennes, la majorité accuse plus de dix points de retard sur le Rassemblement national. Ainsi doit se lire, avant tout, l’opération remaniement mise en scène à son de trompe par la macronie. Il n’y a guère de voix à prendre sur la gauche, les réserves sont sur la droite : d’où le parfum de rappel à l’ordre et de nostalgie qui émane du nouveau discours gouvernemental. Le mot d’ordre est clair : faire du vieux avec des jeunes. Le juvénile Gabriel Attal a compris la demande d’autorité qui monte de la société française. Chérubin tient le langage de Nestor.

Mercredi – L’ordre juste

La gauche parle d’une « politique sépia ». Elle n’a pas tort, mais à s’en tenir là, elle tombe dans un piège. L’ordre n’est pas toujours réactionnaire et le respect des lois est la condition de la vie sociale. « Entre le faible et le fort, disait Lacordaire, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Le désordre des quartiers lèse d’abord les plus défavorisés : personne ne doit s’y résigner. Ségolène Royal, qui avait le sens de la formule, avait fait campagne avec un certain succès en parlant de « l’ordre juste ». Il faut attaquer Macron, non pas sur l’appel à la règle, mais sur le manque de justice.

Jeudi – Des gilets jaunes aux gilets verts

Des centaines d’agriculteurs bloquent les ronds-points avec leurs tracteurs : un air de déjà vu… Des manifestations du même tonneau ont leu ici et là dans toute l’Europe. Macron, dit-on, s’inquiète fort. On politise l’affaire en expliquant ce début de révolte par la politique environnementale menée à Bruxelles. L’extrême-droite du continent en profite pour lancer une campagne anti-écolo. À y regarder de plus près, c’est surtout le prix des denrées qui est en cause : au niveau où il est, les paysans ne parviennent pas à vivre de leur travail ; les contraintes écologiques viennent ensuite. La solution ne réside pas dans l’annulation des mesures du « Green Deal », mais dans la solidarité nationale envers le monde agricole. Nuance…

Vendredi – Davos-parano

J’ai plusieurs fois fréquenté, comme journaliste, le forum international de Davos. Qu’il ait une connotation patronale et libérale, personne ne le contestera. Mais il n’a rien à voir avec un « gouvernement mondial » qui prendrait des décisions dans le dos des peuples. En fait, il se ramène à une longue série de débats plus ou moins intéressants tenus dans les divers salons des hôtels de la station. Nul comité secret, nul conciliabule subreptice. Il n’y a pas de protocole des sages de Davos. Le mythe s’est pourtant répandu, regonflé à chaque édition par tous les complotistes de la terre. Cette fois, c’est un exercice de prévention appelé « la maladie X », du nom d’un hypothétique virus soumettant la planète à une brutale pandémie, qui enflamme des imaginations.  Comment réagir si cela se produit ? C’est le thème de la conférence, fort banale au demeurant. Les antivax l’ont transformée en maléfique projet de contrôle des populations.  Le débat démocratique progresse…

Samedi – La guerre de Netanyahou

Le cabinet de guerre israélien se divise. Netanyahou veut continuer la même guerre destructrice et refuse toute perspective d’État palestinien, à l’inverse de l’administration Biden qui cherche les voies d’une paix à long terme. Les centristes veulent négocier la libération des otages et sont plus ouverts aux demandes américaines. Il n’est qu’une manière de trancher le dilemme : négocier une trêve et organiser des élections. Comme Netanyahou ne veut pas rendre de comptes, il prolonge les combats.