”La Meloni” à l’heure du choix

par Marcelle Padovani |  publié le 12/07/2024

Fidélité à l’extrême droite ou pragmatisme conservateur ? La prochaine élection à la présidence de la Commission européenne va obliger la dirigeante italienne à montrer son jeu.

 

Giorgia Meloni et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne Photo Handout / ANSA / AFP

Oui, elle est franchement coincée “la Meloni” : à mi-chemin entre la rigidité héréditaire de l’extrême droite italienne et le pragmatisme normal des gouvernants de la Péninsule. La voilà donc, estiment la plupart des commentateurs, en train de payer le prix de la défaite à plate couture de sa collègue française Marine Le Pen, avec laquelle elle avait fini par faire amitié. Mais d’autre analystes, moins nombreux, insistent sur les conséquences éminemment positives d’un éventuel vote favorable de “Fratelli d’Italia”, le groupe des méloniens de Bruxelles. Parce qu’il offre une occasion en or à la Première ministre italienne de décrocher, loin des extrémismes, sa normalisation au sein du monde des conservateurs européens. L’heure du verdict en tout cas approche : ce sera le 18 juillet, à Bruxelles, lors du vote à scrutin secret du nouveau Président de la Commission européenne. Qui se fera – ou pas – avec l’appui de “La Meloni” ?

Une autre circonstance inattendue pourrait influencer le choix de Giorgia Meloni : la naissance d’un nouveau groupe parlementaire bruxellois, appelé “Patriotes”, qui jette aux oubliettes Ursula von der Leyen, défend les options fondamentales de la Russie, attend avec impatience l’élection de Donald Trump, chérit le souverainisme de “l’Europe des nations” , est critique de l’atlantisme étalé à propos de l’Ukraine et se prononce pour un contrôle plus sévère des immigrés et étrangers présents sur le Continent. Matteo Salvini, membre italien de ce groupe, qui est aussi vice-président du Conseil, le déclare sans ambages : « Le choix en faveur de von der Leyen est, selon nous, indéfendable. Si Giorgia Meloni vote pour elle, ce sera sa fin. » Ajoutant sa totale hostilité à tout accord avec « les socialistes, les pro-islamistes et les pro-chinois » dans quelque secteur que ce soit. Pour lui, “La Meloni” pourrait n’être qu’une atlantiste, pro-européenne et pro-Kiev. Quelqu’un dont il faut se méfier, donc. Mème lorsqu’on partage le pouvoir au Palazzo Chigi, à ses cotés. 

L’épreuve du feu

“La Meloni” est donc à l’épreuve du feu. Consciente que ses alliés au gouvernement feront tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. À Bruxelles comme à Rome. Pour quelle ligne se prononcera-t-elle ? Un de ses amis soutient (non officiellement) que « la raison pousse Giorgia dans les bras d’Ursula ». Et que ce 18 juillet sera « la dernière occasion pour elle de rester décemment dans le jeu européen ». Même Romano Prodi, représentant du Front populaire et ancien président de la Commission, soutient dans une interview au Corriere della Sera qu’en votant “oui” à von der Leyen, « Meloni entrerait pleinement dans le jeu européen » et « renforcerait le poids de l’Italie dans le Continent ». 

Un exemple : Giorgia Meloni se prépare à la “bataille du blé” et cherche un pacte avec les “Populaires ” du PPE pour obtenir en faveur de l’Italie la présidence de la Commission Agriculture du Parlement européen. Très anti-écolos dans le secteur agricole, les Populaires pourraient accepter une collaboration stable avec les conservateurs  d’autres pays. Mème méloniens.  Mais là aussi, tout dépend de la “mossa”, le geste de Meloni pour se distinguer définitivement le jour du vote. Pour ou contre Ursula von der Leyen ?

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome