« La Meloni », vent favorable mais mer très agitée 

par Marcelle Padovani |  publié le 14/06/2024

La Première ministre sort renforcée du scrutin européen. De quoi lui donner du poids en Europe, à condition qu’elle réussisse à franchir de sérieux obstacles

Le Premier ministre italien, Giorgia Meloni, pendant le sommet du G7 organisé par l'Italie dans la région des Pouilles, le 13 juin 2024 à Savelletri- Photo de Tiziana FABI / AFP

Elle s’est présentée aux électeurs en compagnie d’un seul slogan, ultra perso : « Je vote Giorgia ». Ils savent à présent que cette petite femme solitaire de 47 ans, plébiscitée avec 29 % de suffrages, peut faire pencher la balance dans la future Commission dans un sens souverainiste ou dans un sens pro-européen. Les innombrables photos sympathiques d’Ursula Von Den Leyen et Giorgia Meloni ensemble plaident pour la seconde hypothèse. Mais si la réédition de l’accord PPE/Socialistes/Libéraux/ devait se révéler branlante, la Commissaire, avec l’approbation de « l’italienne », pourrait demander le soutien de Marine Le Pen, qui n’est pas exactement une fan de l’Europe. Au risque de perdre en cours de route les socialistes qui refuseront tout accord avec « les droites pro-Poutine, anti-OTAN et anti-Kiev ». La Meloni a donc de grosses responsabilités sur les épaules…

Manœuvre budgétaire

Et puis, il y a le vieux problème italien de la dette. Les paramètres sur le déficit et la dette du Pacte de stabilité imposent maintenant à l’Italie une manœuvre budgétaire de 20 milliards d’euros, qu’elle devra affronter soit en augmentant les impôts soit en diminuant les dépenses. Or Meloni vient de promettre, à la veille des élections, un investissement de 200 millions d’euros dans le secteur de la santé pour réduire les queues interminables dans les hôpitaux. Mais aussi la récolte de quelques milliards avec un nouveau programme de privatisations sur trois ans. Pas évident de trouver des solutions décentes dans les deux cas…

Sur le terrain de la politique étrangère, rien n’est simple, non plus. Si Giorgia Meloni s’est convaincue de l’intérêt à soutenir les États-Unis plutôt que la Russie, et l’Ukraine plutôt que son agresseur, elle n’accepte pas l’idée d’une politique militaire de Défense européenne, comme l’a proposée Emmanuel Macron. Grosso modo, elle a avant tout compris que l’UE est utile à l’intérêt national italien et elle fait donc preuve de pragmatisme. Et maintenant que le « moteur » franco-allemand est en panne, elle peut être tentée par des aventures, comme celle qui a permis à ses représentants au G7, occupés à  rédiger une ébauche de conclusion, de nier « le droit à l’avortement » .

Il y a enfin un dernier souci, une sorte d’invité surprise : les nominations à la Commission européenne. Meloni peut espérer un ou deux commissaires italiens et son entourage avance les noms des ministres Urso et Fitto même si ces deux-là ne parlent pas anglais, un impératif selon le Parlement européen (« Ils ne parlent pas anglais ? Alors on ne peut pas voter pour eux »). Un vrai point de blocage.

Elle est costaud, la Meloni. Mais elle a quand même face à elle quelques « impedimenta » (obstacles). Saura-t-elle les franchir tous ?

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome