La nuit sur le pavé, le jour en classe

par Boris Enet |  publié le 21/06/2024

Partout en France, des enfants dorment dans la rue ou dans des hébergements de fortune. Entre deux journées de cours …

Place de la République à Rennes, affiche d'un enfant dans la rue avec le message " Je suis un eleve sans toit, comme plus de 3000 enfants en France" - Photographie Maylis Rolland / Hans Lucas

Paris, Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg… Les métropoles n’en finissent plus de crier au secours devant des situations humaines contraires à toutes les conventions internationales signées par la France, notamment dans la protection de l’enfance et le droit à l’éducation.

Le Centre communal d’action social de Rennes relève que près de 28 enfants sont à la rue sur près de 820 personnes recensées. À Bordeaux, la mairie réclame près de 150 000 euros à l’Etat pour le remboursement de nuits d’hôtels et l’ouverture d’une salle municipale aux sans-abris, tandis que les Hôtels de ville de Strasbourg, Lyon et Grenoble déposent plainte contre l’État. Telle est la réalité vécue par des milliers de personnes sur le territoire, parmi lesquelles 18 % de familles.

Dans l’Hérault, 55 000 demandes d’hébergement (augmentation de 10 000 en un an) assaillent les services sociaux, dont 50 % de primo-demandeurs concentrés pour l’essentiel dans la métropole de Montpellier. Cette problématique du logement vient naturellement heurter le droit à l’éducation. Si près de 3 000 enfants dorment à la rue ou dans des hébergements d’urgence ou de fortune, comme le rappelait la Fondation Abbé Pierre au printemps dernier, une partie de ceux-ci se retrouvent néanmoins à l’école les yeux embués à 7h50 au milieu de leurs camarades.

Scolarités abimées

Entre absentéisme, honte et nomadisme contraint, il est bien difficile pour les directions d’établissement comme pour les services rectoraux de suivre la scolarité de ces enfants par définition isolés. Nombre d’entre eux ont fui les situations chaotiques en Syrie ou en Ukraine, ou bien la simple misère du quotidien en France. Face à ces enfants fréquemment victimes du racisme ordinaire, de la stigmatisation sévissant parmi les damnés, parfois de la violence, il faut des trésors de pédagogie et une patience à toute épreuve pour les enseignants afin d’établir des relations de confiance débouchant sur des situations d’apprentissage.

L’éducation nationale, par le biais des CASNAV (Centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés) déploie des trésors d’ingéniosité avec les équipes de direction et les enseignants spécialisés, souvent FLS (Français Langue Secondaire), pour suivre ces enfants abandonnés à eux-mêmes. Ainsi, les collèges permettant d’accueillir ces structures, pas plus de 15 à 20 élèves, se répartissent ces enfants au parcours de vie complexe, logés dans des hôtels, des foyers d’urgence dans un climat de maltraitance institutionnel qui n’est plus à démontrer.

Sous l’autorité des rectorats, ces CASNAV offrent un appui technique indispensable dans la constitution de dossiers administratifs de ces enfants permettant de les scolariser avec trois contraintes exigeantes : la capacité à les suivre sur la durée, celle des moyens octroyés et la précarité d’un dispositif qui n’autorise pas de rester dans le dispositif plus de deux ans pour apprendre les rudiments de la langue et la posture d’élève, avant d’être à nouveau jeté dans le grand bain. Avec tous les risques de décrochage que cela comporte.

Boris Enet