La peur du vide…

par Jérôme Clément |  publié le 21/06/2024

Le vide du pouvoir, du débat, du monde est angoissant. Il nous faut dès lors lutter contre une éventualité qui se rapproche de jour en jour

Jérôme Clément

D’abord, elle vient de ce président qui se prenait pour Jupiter et se retrouve Néron, regardant brûler Rome dans l’incendie qu’il a lui-même allumé. Artisan de sa propre chute, il n’a pas encore pris la mesure de ce qui l’attend : les traitrises, les abandons, les commandes qui ne répondent plus, les regards qui se détournent, une immense solitude, troublée par les insultes et les sifflets, à la mesure du mépris dont il a fait preuve à l’égard de ses proches, de ses ministres, du peuple. La descente de la pyramide du Louvre, dont il avait fait son symbole au début de son règne, risque de se transformer en descente aux enfers. Le pouvoir lui échappe, lui a déjà échappé, en ces quelques mots qu’il a lui-même prononcés, le soir du 9 juin.

Le vide, c’est aussi celui, sidéral, des mots de ce débat qui n’en est pas un, de ce brouhaha politique qui meuble les journées de cette sinistre campagne :  des programmes rédigés à la va vite – et pour cause -, une décomposition politique qui atteint chaque parti, à tel point qu’il faut procéder à un examen attentif pour décrypter la carte des candidats. Ce sont des attaques et des vociférations sans dignité, la disparition des grandes voix, des grandes figures qui incarnaient de grands choix remplacés par de pâles comparses qui ne parviennent pas à faire illusion. C’est une violence latente qui masque une réalité, la seule qui s’impose, la chute de ce pouvoir est aussi celle d’un système politique, d’un régime à bout de souffle,  d’une classe politique qui n’a pas su comprendre et répondre aux angoisses légitimes du peuple.

Le vide, c’est enfin celui qui nous entoure, dans un monde où renait la guerre et dans lequel l’ordre international se défait. Pire, un monde dans lequel est remis en cause l’état de droit, sans lequel la vie en société n’est pas possible. Un monde menacé par les dérèglements climatiques et qui perçoit le moment où la vie sur terre sera impossible.

Tentation

Cette peur du vide crée de l’angoisse, et la tentation de s’en remettre à des régimes autoritaires menaçant les libertés, mais rassurants pour la sécurité, censés apporter de l’ordre là où s’installe le désordre. La tentation de Venise, aujourd’hui, c’est celle de ces partis totalitaires, vieille recette qui a conduit aux pires dictatures, et dont on sait bien qu’ils ne résolvent rien, conduisent aux pires excès. Le remède est pire que le mal.

Inlassablement, il nous faut lutter contre cette éventualité qui se rapproche de jour en jour, veiller sur le respect du droit, défendre nos libertés, nos valeurs humanistes, respect et tolérance, rebâtir les outils de la démocratie sans lesquelles sombrerait notre république.

La France en a vu d’autres et même si la période nous réserve le pire, il nous appartient de répondre à cette angoisse par nos volontés, notre détermination et la certitude que l’esprit de résistance et nos convictions sauront trouver le chemin qui, en comblant cette peur du vide, redonnera confiance à nos concitoyens.

Jérôme Clément

Editorialiste culture