La photocopieuse d’Éric Ciotti
Il faut critiquer, déplorer, dénoncer le virage xénophobe de la droite française. Mais il faut surtout lui opposer une politique d’immigration cohérente
On connaissait la « triangulation » en politique, qui consiste à emprunter à l’adversaire une partie de son programme pour lui prendre ou lui reprendre des électeurs. La droite française vient d’en donner une version inédite : elle a transformé la triangulation en duplication…
Sous la houlette d’Éric Ciotti et de Laurent Wauquiez, les Républicains ont pris à leur compte la quasi-intégralité du programme du Rassemblement national en matière d’immigration. Dénonciation des traités internationaux, restriction du regroupement familial, du droit du sol, des prestations sociales pour les étrangers, de la présence d’étudiants extra-européens, suppression de l’aide médicale d’État, exigence faite aux demandeurs d’asile de présenter leur demande à l’étranger, rétablissement du délit de séjour irrégulier…
Pas besoin d’effort conceptuel, de long débat, d’élaboration collective : tout y est ou presque. Ce n’est plus un parti, c’est une photocopieuse.
On peut, on doit s’en indigner. Sur tous ces points, les Républicains tournent le dos à la République. En jetant par-dessus les moulins les conventions sur les réfugiés de longue date signées et ratifiées par les différents gouvernements depuis les années cinquante, ils sortent la France du cercle des nations humanistes attachées à l’état de droit.
La frontière idéologique entre droite extrême et droite classique, déjà poreuse, vient de disparaître purement et simplement. Si ce programme est appliqué, la « patrie des droits de l’Homme » sera celle qui piétine ceux des étrangers.
Mais l’indignation ne suffira pas. C’est le même mouvement, ou presque, qui anime les droites en Europe – et même la gauche, au Danemark en tout cas. En Grande-Bretagne, en Italie, dans les pays scandinaves et depuis longtemps dans les pays de l’est de l’Union, la fermeture des frontières aux migrants est à l’œuvre, avec une panoplie complète de mesures restrictives.
Et cela pour une raison fort simple : c’est la volonté des populations concernées, qui portent au pouvoir, sinon l’extrême-droite, du moins des majorités parlementaires anti-immigration. Le ralliement de LR au RN n’est qu’un pas de plus sur un chemin déjà ouvert dans une grande partie de l’Europe.
La gauche y trouve matière à protestation et déploration. Mais que fait-elle pour opposer aux demandes populaires un discours cohérent qui aille au-delà des considérations morales ? Quelle est la politique d’immigration humaine, conforme aux engagements internationaux de la France, mais aussi réaliste, qui fera pièce aux tentations extrêmes qui ne cessent de gagner du terrain ?
Faute de répondre à cette question, elle laisse le terrain à l’extrême-droite et, désormais, à la droite extrémisée.