La Russie est déjà en guerre (hybride) avec l’Europe

par Pierre Feydel |  publié le 14/06/2024

Provocations, cyberattaques, attentats : Moscou fait tout pour déstabiliser les démocraties. Sans grand succès, pour le moment…

Vladimir Poutine. Montage . Photographie Jimmy Beunardeau / Hans Lucas

 Le résultat des élections européennes ne calmera pas Vladimir Poutine. Même si la progression des partis nationalistes, plus ou moins sympathisants du pouvoir russe, pourrait l’inciter à ralentir ses attaques contre les pays de l’OTAN, même si la défaite du parti macronien affaiblit le président français, en pointe dans le soutien à l’Ukraine, la Russie va continuer ses manœuvres diverses de confrontation avec l’Ouest. Elles sont à plusieurs niveaux : de la simple opération de déstabilisation jusqu’à l’acte de sabotage flagrant.

En France, le dépôt de cercueils supposés contenir les dépouilles de soldats français tués en Ukraine, le dessin sur les murs des mêmes funestes symboles, participe d’une volonté d’effrayer les populations afin qu’elles s’opposent à l’envoi de conseillers militaires en Ukraine. L’apparition d’étoiles de David bleues ou de mains rouges, symbole du massacre de deux Israéliens à Ramallah, tente d’affoler la communauté juive. La police a mis la main sur quelques « petites mains », allemandes, bulgares, moldaves, russes ou ukrainiennes et les services de renseignement en cherchent les commanditaires.

Il y a plus grave. De vraies provocations – comme le déplacement fin mai par les Russes des bouées marquant la frontière avec l’Estonie en mer Baltique – ou des attaques significatives. En mars, un avion transportant Grant Schapps, le ministre britannique de la Défense, a connu une défaillance de son GPS au-dessus de Kalinigrad, l’enclave russe entre la Pologne et la Lituanie. Les Britanniques ont d’ailleurs précisé que près de 40 000 vols en provenance du Royaume-Uni avaient eux-aussi connu les mêmes problèmes. La Russie était bien entendu accusée.

Offensive cyber

Les cyberattaques restent une des armes préférées du Kremlin. En février, les ports allemands, néerlandais et belges ont été la cible de piratages qui ont perturbé leurs activités. Les chemins de fer   allemands avaient subi le même sort quatre mois auparavant, comme ceux du Danemark. On voit l’intérêt pour un agresseur potentiel de ces pays de montrer sa capacité à paralyser, en cas de conflit ouvert, des infrastructures et des systèmes de transport. Bien sûr, les Russes sont là aussi clairement désignés.

Restent les sabotages. Le Premier ministre polonais a fait état de plusieurs tentatives d’incendies criminels, en accusant clairement les Russes. L’incendie d’un magasin Ikea à Vilnius, capitale de la Lituanie, fait l’objet d’une enquête des autorités. De même, à Londres, l’incendie d’entreprises liés à l’Ukraine pose question. Et en France, l’arrestation il y a quelques jours d’un russo-ukrainien qui avait accidentellement fait sauter la bombe avec laquelle il voulait détruire du fret aérien à destination de l’Ukraine a sérieusement inquiété les services de sécurité. Au bout du compte, ces actions ne font que renforcer la détermination des Européens à aider Kiev. Poutine fait-il une erreur stratégique de plus ?

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire