La semaine de Laurent Joffrin
Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond? L’essentiel
Lundi
Et si c’était elle ? Carole Delga y pense… Elle a réuni ses amis à Bram, dans l’Aude, petite ville pour une grande ambition. Les socialistes cherchent une tête qui pourrait les emmener un jour à la présidentielle. Pourquoi pas elle ? La dame de fer à l’accent chantant tient l’Occitanie, telle une comtesse de Toulouse. Non loin des terres de Jaurès, elle peut caresser un projet national. Elle parle clair, elle est crédible, elle déborde d’énergie. Présidentiable ? Pas encore.
Il faut d’abord convaincre les siens, c’est-à-dire une direction socialiste paradoxale qui préfère Mélenchon à n’importe quel socialiste, et des minorités du PS qui veulent aussi jouer leur jeu. Alors elle jette aussi un œil vers la mairie de Toulouse, qu’elle juge prenable aux prochaines municipales. Il faudra choisir vite : dans ce pays de chasse, on sait qu’on ne peut courir après deux lièvres à la fois.
Mardi
La France a vu ses émissions de gaz à effet de serre diminuer de plus de 4% en 2022, ce qui correspond, à un chouia près, aux objectifs fixés par le GIEC. Plutôt réconfortante, la nouvelle a donné lieu à des articles pincés, sur le thème « c’est un coup de chance » ou « c’est très insuffisant ». Alors que les experts interrogés pointent, pour partie, les efforts consentis par les Français en faveur du climat, qui n’ont donc pas été vains. Aporie du discours écolo : dans une bonne intention, on cherche à faire peur pour mobiliser. Mais on oublie de souligner les progrès quand il y en a. Ces Verts qui broient du noir sont comme un général qui annoncerait la défaite à la veille de la bataille. Pas très mobilisateur…
Mercredi
Écologie, toujours… Nouvelle tactique à droite et à l’extrême-droite : le climato-populisme. On ne dit plus que la lutte pour le climat est inutile, on affirme qu’elle nuit au peuple. Trop de contraintes, trop de règlements, trop de dépenses : on dénonce « l’écologie punitive » qui punit les classes populaires. Le pire est que cela n’est pas tout à fait faux et qu’il y a là un gisement électoral pour les conservateurs. Plutôt que se proclamer plus verts que verts, la gauche et les écologistes feraient bien de s’en aviser pour trouver le moyen de combattre en même temps le réchauffement et l’appauvrissement.
Jeudi
Déluge d’éloges pour Jean-Pierre Elkabbach, parti interviewer les célébrités du Ciel. Louanges méritées pour ses performances derrière le micro, qui sont celles d’un grand chef d’orchestre derrière le pupitre. Pour le reste, l’héritage est contrasté. Une certaine ductilité politique, plus habile que cohérente, ainsi que des méthodes de direction contestées en leur temps, à France-Télévision ou à Europe Un. Delphine Ernotte, présidente de la télé publique, a eu l’idée un peu baroque de baptiser le siège de sa maison du nom du journaliste. Protestations en interne : le geste de mémoire se heurte à de mauvais souvenirs…
Vendredi
Enrichissez votre vocabulaire… « Tafiole », dans la locution « bande de tafioles de m… », désigne péjorativement un homosexuel. En clair, c’est une insulte homophobe. Nous devons cette érudition langagière à Sophia Chikirou, éminence de LFI, qui désignait par ce vocable soutenu les collaborateurs du Média, télé mélenchoniste. Ils avaient eu le front de vouloir s’excuser pour une erreur grossière commise sur leur antenne : comportement de « tafioles », en effet. Comme le dit un élu insoumis : il ne faut jamais céder à l’adversaire, « surtout quand on a tort ». LFI est infaillible, donc, comme le pape…
Sophia Chikirou, communicante mélenchoniste en chef, est l’objet de maintes critiques dans et hors la France insoumise, pour comportement brutal, gestion à la hussarde et, selon la justice, escroquerie éventuelle à base de surfacturation. Aussitôt, le clan dirigeant bétonne. « C’est une campagne sexiste », lance Mathilde Panot, chef du groupe parlementaire, comme toujours toute en nuance et en honnêteté intellectuelle. Une campagne sans doute menée par des « tafioles ».
Samedi
L’automne approche : comme à chaque saison, telles des feuilles mortes, les mises en examen tombent sur Nicolas Sarkozy. Cette fois il est accusé d’avoir prêté la main à une opération tordue consistant à convaincre (peut-être par des arguments sonnants et trébuchants) le témoin Ziad Takieddine de l’innocenter après l’avoir accusé. Énième procès pour la sarkozie, qui les collectionne, comme certains les timbres ou les boules à neige. Sarkozy lui-même a été condamné deux fois en première instance et une fois en appel. Il est l’objet d’une ribambelle d’autres procédures. En prévision des procès qui l’attendent, il s’est procuré une tente et un réchaud pour camper devant le Palais de Justice, ce qui raccourcira ses trajets. On peut paraphraser Shakespeare : y aurait-il quelque chose de ripoux au royaume de Sarko ?