La semaine de Laurent Joffrin

par Laurent Joffrin |  publié le 14/10/2023

Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond? L’essentiel

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

Lundi

Rupture historique. Dans l’effroi et la sidération, on regarde depuis samedi les images du massacre perpétré sur le sol israélien par un vaste groupe terroriste. Puis on arrête, saisi par le malaise… Tant de barbarie étalée à dessein par le Hamas : on a le sentiment de lui faciliter la tâche, d’accroître son audience.  Il faut voir le crime en face ? Certes. Mais on pense aux victimes, dont le martyre est complaisamment médiatisé, dans une obscène bande-annonce de l’horreur, du cynisme et de la cruauté.

Rupture historique, donc : on devine aussi les conséquences de cette orgie de crimes. Les premiers bilans, effrayants, donnent la mesure de l’opération menée par le Hamas : l’équivalent du 11 septembre pour Israël. Plus de morts, en proportion, que dans l’attentat des Twin Towers, une série d’atrocités revendiquées comme autant de victoires, des centaines d’innocents sacrifiés, des femmes et des enfants assassinés : dans cette circonstance, la solidarité avec Israël s’impose comme une évidence. Et aucun gouvernement, dans aucun pays, ne peut subir un tel choc sans préparer aussitôt une riposte à la mesure de l’agression. On entre dans une nouvelle ère, pour le Proche-Orient et pour le monde, pleine de sinistres menaces.

Mardi

LFI s’enferre dans le mensonge déconcertant. La faute commise d’emblée par Jean-Luc Mélenchon au lendemain de l’attaque – renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé, refuser de qualifier le Hamas d’organisation terroriste – est confirmée jour après jour par le clan qui l’entoure. Le Hamas ne serait pas terroriste ? Mais alors qu’est-ce que le terrorisme ? Insupportables sophismes.

Le reste de la gauche adopte une position responsable : condamnation sans équivoque de l’attaque barbare du Hamas, solidarité avec les victimes, critique nécessaire de la politique menée par la droite israélienne. Mais la propagande mélenchoniste déteint sur elle. On soupçonne qu’un médiocre calcul électoral se cache derrière la rhétorique byzantine et irresponsable de LFI. Même moribonde, la NUPES devient compromettante. Elle a vécu. Il est temps de trouver autre chose…

Mercredi

Chacun se rend compte, y compris dans le « camp de la paix » en Israël et ailleurs, que la riposte à l’attaque du Hamas est inévitable et – pour le dire franchement – légitime. La chose est sans doute terrible à écrire, mais aucun gouvernement, dans n’importe quel pays, ne conserverait le soutien de sa population s’il reculait devant cette réalité : l’armée israélienne doit chercher à détruire le Hamas, faute de quoi elle encouragerait de nouvelles attaques.

Une fois ce constat établi, la question du sort des populations civiles à Gaza reste entière. « J’ai ordonné un siège complet de Gaza, a annoncé, lundi 9 octobre, Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense. Nous combattons les animaux humains et agissons en conséquence ». Et de préciser que l’eau, le gaz et l’électricité seront dorénavant coupés pour la population de l’enclave, déjà massivement bombardée. Est-ce le langage qu’on attend d’un démocrate ? Cette punition collective est-elle juste ? Légale ? On en doute, pour le moins. Et chacun connaît la suite : un affaiblissement de l’organisation terroriste, certes, mais aussi des pertes civiles énormes et la fabrication de nouveaux martyrs, qui entraîneront de nouvelles vocations de terroristes.

Jeudi

L’indignation devant la position prise par les Insoumis est générale. Le PS, le PCF, les Verts, et plusieurs responsables LFI, dont François Ruffin, s’en démarquent. Mais ils sont empêtrés dans NUPES. La droite s’en empare pour tenter de discréditer toute la gauche.

Pendant ce temps, sans rien faire ni rien dire de marquant, Marine Le Pen marque des points. Elle est même applaudie par une partie de la majorité à l’Assemblée et des responsables du RN ont pu défiler avec les organisations juives sans susciter la moindre réprobation. Ce n’est plus l’extrême-droite qui fait peur. C’est Mélenchon.

Vendredi

L’armée israélienne a donné l’ordre à la population d’évacuer la partie nord de Gaza. L’ONU proteste et l’on redoute une catastrophe humanitaire. Cette évacuation massive est contraire aux lois de la guerre. À plus long terme, une partie des Israéliens, même s’ils sont solidaires de leur gouvernement dans l’immédiat, s’interrogent sur une politique qui a consisté à nier la question palestinienne et à compter sur la seule force pour maintenir la sécurité du pays. La « solution à deux États » est plus lointaine que jamais. Mais la « solution à un État » – Israël maintenant par la force le statu quo – promet une guerre sans fin. 

Samedi

Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, un jeune salafiste d’origine Ingouche poignarde un autre professeur dans un collège d’Arras. Sa famille était l’objet d’une surveillance policière étroite pour radicalisation, mais le jeune homme est passé à l’acte sans aucune préparation visible.

On parle d’une « attaque au couteau ». Ne faut-il pas appeler les choses par leur nom ? Ce professeur, Dominique Bernard, n’a pas seulement subi « une attaque au couteau ». Il a été assassiné par un islamiste. Oublier ces deux mots, c’est euphémiser. C’est refuser de voir que cette idéologie qui prône l’instauration d’une dictature obscurantiste par la violence est une ennemie implacable des démocraties, qu’il convient de combattre sur tous les fronts. La gauche doit le dire sans ambages.  

En 2014, la même famille avait été visée par une mesure d’expulsion, rapportée à la suite de la protestation de diverses associations de défense des droits humains. Bien entendu, on ne pouvait prévoir à l’époque que les enfants concernés se transformeraient en terroristes. Ce qui pose néanmoins à la gauche une question simple : est-il vraiment immoral d’expulser de France des étrangers en situation irrégulière qu’on soupçonne fortement d’adhérer à l’idéologie de Daesh ou d’Al Qaida ?

Laurent Joffrin