La « solitude » d’Israël
BHL revient sur Israël. Nombreuses d’erreurs, fausses affirmations, nombrilisme… un nouveau livre pour rien ?
Dès la première page, début deuxième paragraphe, BHL parle de lui : « j’ai beaucoup d’homonymes ». Tout est prétexte pour relier le monde à lui, et lui au monde : tel kibboutz visité en telle année, tel journaliste croisé, une pensée développée dans un autre de ses bouquins… Un seul point fixe : Israël est toujours seul, et le monde entier lui en veut sans raison.
Une fois comprise la thèse principale de l’ouvrage, on en vient à une resucée des polémiques plus ou moins inspirées qu’on lit depuis le début de la guerre. « Solitude d’Israël » ?… Outre le caractère outrancier d’une telle déclaration -l’Amérique est le plus puissant allié indéfectible d’Israël et l’Ukraine, l’Arménie, la Géorgie, la Moldavie, Taïwan aimeraient avoir la même solitude que l’État hébreu- BHL multiplie les erreurs factuelles et les approximations. En voici quelques-unes, sur une longue liste…
Selon lui, la presse s’est « employée à relativiser, amoindrir et, si possible, effacer l’évènement ». BHL affirme que l’UNWRA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, « a été partie prenante au crime ». Peu importante que plusieurs pays occidentaux aient repris le financement d’une institution dont Israël n’a pas pu fournir la moindre preuve de son soutien au Hamas.
Autre erreur : BHL s’insurge de l’usage du mot « prisonnier » par la presse pour qualifier les 240 prisonniers palestiniens libérés, dont 107 enfants, en échange des otages du Hamas. Or, la plupart d’entre eux étaient retenus sous le régime de la « détention administrative », c’est-à-dire sans charges ni procès — ce que BHL feint d’ignorer. Et que dire quand il déclare qu’Israël est le seul « pays multiethnique de la région » …
Après plus de 30 000 morts, alors que la famine menace à Gaza, BHL proclame : « Israël se défendait » en respectant le droit de la guerre. D’ailleurs, un cessez-le-feu ne peut que profiter qu’au Hamas et les morts civils palestiniens de Gaza sont sur la conscience de « ceux qui s’en sont fait des boucliers ». Et d’invoquer les « petits-enfants des rescapés d’Auschwitz » qui ne pourraient pas, par essence, commettre sciemment des atrocités.
Le penseur balaye d’un revers de main l’idée qu’Israël aurait laissé croître l’influence du Hamas : une « légende urbaine mondiale »… alors que Netanyahou l’a pourtant admis en public. Dans le même souffle, il nie l’importance des propos génocidaires des ministres d’extrême-droite Smotrich et Ben Gvir, eux qui « pèsent le poids d’une plume dans l’histoire d’Israël, soyons sérieux ! ». La décision de la CIJ n’est même pas citée nommément : mais qu’elle sache qu’accuser Israël de possible risque de génocide, « c’est un outrage aux victimes d’hier ».
Quant à la solution à deux États, dont il réaffirme être un soutien, il faudrait la refuser dans l’immédiat, car cela faire le jeu des terroristes et ferait que « le crime paye ». Et cet État palestinien devrait se faire sans le Hamas, pourtant premier parti palestinien. Autant dire que cela ne se fera jamais.
Dans la deuxième partie du livre, il nie le caractère colonial de l’État d’Israël, nomme le terrorisme juif une « guérilla acharnée » et préfère rappeler que les terres ont été légalement achetées. Puis il cherche à faire des Palestiniens des responsables de leur propre malheur en rappelant que quelques uns d’entre eux ont été des admirateurs du IIIème Reich. En oubliant que l’écrasante majorité des musulmans ont combattu sous bannière alliée. Peut-être, mais « tout cela réduit à néant le mythe d’une Palestine innocente à laquelle l’on imposerait de réparer le crime de la Shoah » dont elle aurait en vérité été complice.
En somme, voici un livre en huis clos qui en dit plus sur les obsessions de son auteur que sur la complexité d’un conflit.