La stupidité du Hamas
L’organisation terroriste s’est lancée il y a un an dans une guerre suicidaire où elle n’essuie que les défaites. Le Hamas a attiré le malheur sur les Palestiniens, gravement affaibli ses capacités militaires et compromis la situation de ses alliés chiites.
Les historiens, le plus souvent, n’aiment pas « l’histoire des batailles », tenant que les grands courants culturels, sociaux ou économiques sont les vrais moteurs des événements. Ils ont tort. Pour le malheur de la pauvre humanité, ce sont souvent les batailles qui commandent son destin. Ainsi des batailles livrées depuis un an au Proche-Orient : loin de servir la cause palestinienne, elles ont conforté la domination israélienne sur ses voisins immédiats, affaibli le Hezbollah et humilié l’Iran.
Outre son caractère terroriste et barbare, l’attaque lancée il y a un an par le Hamas restera sans doute comme un des mouvements stratégiques les plus stupides de l’histoire récente. Douze mois après cette offensive, décidée par le seul Hamas sans même prévenir ses alliés, Gaza est à moitié détruite, l’organisation a été largement démantelée et quelque 40 000 gazaouis frappés par l’armée israélienne ont payé de leur vie l’aventurisme des chefs islamistes.
Ces dernières semaines, le Hezbollah, qui s’est cru obligé de soutenir à coups de missiles inutiles la guerre du Hamas, a vu sa direction décapitée, ses communications annihilées et son encadrement décimé par l’armée israélienne diaboliquement renseignée par le Mossad. Le sud-Liban est écrasé sous les bombes. Parrain lointain mais actif de « l’axe de la résistance », l’Iran a subi une série de revers humiliants qui l’obligent à se lancer dans de hasardeuses représailles contre Israël.
Ainsi le Hamas, chargé en principe de défendre les intérêts de ses mandants palestiniens, les a sacrifiés au nom de son obscurantisme religieux et son obsessionnelle volonté de dénier à Israël le droit même d’exister. Il a gravement affaibli ses alliés et confortant ses ennemis, à commencer par le gouvernement Netanyahou, que la guerre a miraculeusement rétabli alors qu’il était au bord de la déroute politique. Et il est toujours des idiots utiles en Occident pour l’encourager dans ses folies meurtrières, en le qualifiant de « force de résistance », au nom d’un décolonialisme hors-sol.
Abusés par le culte de la force et de la violence, les fanatiques sous-estiment toujours la résilience des démocraties, qu’ils jugent décadentes et sans idéal. Le Hamas a cru que la capture que quelque deux cents otages paralyserait la réplique israélienne et que la barbarie de l’attaque répandrait l’effroi dans la population. C’est évidemment le contraire qui s’est produit. Les Israéliens ont fait bloc derrière leur armée et fait de facto passer le sort des otages au second plan. Se jugeant attaqués dans leur existence même, travaillés par le souvenir de la Shoah, ils ont fermé les yeux sur les indicibles souffrances que leurs soldats et leurs aviateurs infligeaient à la population civile palestinienne.
Certes, la brutalité de la réplique a gravement entaché l’image d’Israël dans le monde. Mais le gouvernement de Netanyahou n’en a cure, remis en selle auprès de son opinion par les succès militaires accumulés depuis de longs mois. Il y a tout lieu de craindre, désormais, que cette équipe, où l’extrême-droite joue un rôle décisif, soit saisie par le vertige de la victoire. Toutes proportions gardées, Israël peut se retrouver, malgré les réactions iraniennes, dans la position acquise après la guerre des Six-Jours de 1967, au terme d’un succès éclatant qui l’a entraîné dans des conquêtes impossibles à stabiliser. La tentation est forte, cette fois-ci, de mettre en œuvre le projet de « Grand Israël » nourri par cette droite souvent mue par des justifications religieuses, qui craint par-dessus tout une paix de compromis.
La raison la plus élémentaire aurait commandé aux Palestiniens de reprendre la stratégie naguère utilisée par Yasser Arafat, qui voulait, à la fin de sa vie de combattant intraitable, troquer la paix contre la reconnaissance d’un État palestinien. Mais quand la religion, dans sa variante fanatique, se mêle de calculs politiques et de stratégie militaire, la Raison est la première victime du conflit.