La trahison de la droite américaine
Jadis pilier de la démocratie aux États-Unis, le parti républicain, en soutenant un ancien président menteur, tricheur et fraudeur, est devenu son pire ennemi.
En 1988, Gary Hart, sénateur démocrate favori pour l’investiture de son parti, doit abandonner la course en raison de ses liens avec une jeune femme nommée Donna Rice. En 1998, le président Bill Clinton est soumis à une procédure d’empêchement en raison de ses relations avec une stagiaire de la Maison-Blanche nommée Monica Lewinsky. Dans les deux cas, les élus républicains, qui ont mené campagne avec virulence contre ces deux leaders démocrates, ont invoqué, non pas, directement, l’immoralité de la situation, mais les mensonges utilisés par les deux hommes pour nier les accusations dont ils étaient l’objet.
En 2024, le même Parti républicain soutient, perinde ac cadaver, un ancien président qui, non seulement, a commis plusieurs fois le même genre d’adultère, mais qui a aussi acheté le silence des jeunes femmes concernées et qui a été pris en flagrant délit de mensonge éhonté à de multiples reprises.
La juxtaposition de ces trois faits donne la mesure de l’incroyable décadence politique et morale qui frappe la droite américaine. Naguère intraitables avec les principes conjugaux comme avec le mensonge public, les élus républicains soutiennent maintenant celui qui incarne au plus haut point la pratique cynique et répétée de ces deux exercices. Ils ont jeté aux orties les règles morales dont ils se faisaient jadis les paladins.
L’identité supposée de la Nation
Reniement, décadence, régression ? Pas seulement. Les Républicains, naguère conservateurs bon teint, mais aussi attachés aux fondements de la démocratie américaine, notamment au règne de la loi, se vouent maintenant, suivant en cela leurs électeurs, à la stricte défense de l’identité supposée de leur nation, qu’ils placent bien au-dessus de l’état de droit. Trump viole les lois ? Il ment comme il respire ? Il est vulgaire, sexiste, factieux ? Pas grave : il défend à leurs yeux la tradition, la primauté de la nation, l’intérêt strict du pays. Tout est là.
On le taxe de populisme. Certes. Mais il ne s’agit là que de la méthode. C’est le fond qui compte. Trump n’est pas seulement populiste, il est nationaliste. MAGA : Make America Great Again. L’obsession de l’identité est à la base de cette effrayante dérive. Affaire de tripes et non de raison. En cela, la droite américaine suit un mouvement planétaire, qui voit dans la défense agressive de l’entre-soi traditionnel l’ultima ratio du combat politique. En regard de cet enjeu, ses tribulations érotico-financières sont de peu de poids aux yeux des Républicains. On sait que leur parti, celui de Lincoln, est à l’origine de la démocratie américaine. Héritage répudié : au nom de leur idée de l’Amérique, ils sont prêts à brader la démocratie.