La vague brune a déferlé sur la Provence
La quasi-totalité des communes des Bouches-du-Rhône, autrefois le cœur à gauche, a choisi de mettre le RN de Le Pen-Bardella en tête
À Marseille, on savait le RN déjà bien implanté dans des quartiers souvent anciennement communistes, au nord. Mais, la droite classique tenait plutôt la barre, sauf lors des dernières municipales, où l’exaspération des habitants contre le maire sortant avait fait resurgir une sorte de front populaire de gauche qui s’était imposé.
Ce dimanche, c’est un front populiste qui l’a emporté. Les deux listes RN et LFI arrivent en tête avec respectivement 31 % et 21 % des voix, soit plus de la moitié des votants. Mais elles se partagent les arrondissements, avec des scores impressionnants, souvent supérieurs aux moyennes nationales. En gros, dans les quartiers centraux autour du Vieux-Port, LFI l’emporte largement, surclassant le PS de Glucksmann. Mais ailleurs, au nord, mais surtout au sud de la ville, dans les quartiers les plus aisés et les plus prospères, le RN l’emporte largement, laissant loin derrière elle la droite modérée, dont c’était jusqu’ici le fief.
Ainsi dans le 11e arrondissement, le plus déshérité à l’est de la ville, le RN explose à 43 % des suffrages, avec un score de Reconquête à 7 %. Inversement dans le Panier (3e arrondissement), longtemps fief socialiste, c’est LFI qui l’emporte avec 53 % des voix. Et dans le 8e arrondissement, le plus bourgeois de tous, le RN est encore en tête à 27,6 %, mais avec Reconquête à 10,7 %, laissant derrière Renaissance à 16 % et le PS à 13 %. Marseille la radicale donc, à l’extrême-gauche comme à l’extrême-droite.
Mais cette vague populiste, majoritairement brune, ne s’est pas arrêtée au Vieux-Port. Elle a déferlé sur toute la Provence. Sur l’ensemble de la région PACA, le RN culmine à près de 39 %, laissant loin derrière Renaissance, pourtant soutenue par les principaux leaders politiques, à 12,3 %, et le PS, à seulement 10,5 %. Tous les départements classent le RN en tête, même d’anciens fiefs socialistes comme les Alpes de Haute-Provence.
Le département des Bouches-du-Rhône, lui-même tenu longtemps par le PS, a basculé, au point que la quasi-totalité des communes, hormis quelques plus petites, a classé le RN en tête de leurs suffrages. Notamment dans le pays d’Aix-en-Provence et autour de l’étang de Berre. Pour cette dernière zone, le RN est désormais chez lui à haut niveau. Marignane le porte à 54 %, Vitrolles à 44 %, mais aussi les anciens bastions communistes de Martigues (42 %) ou Aubagne (40 %), la socialiste Istres (45 %) ou l’ex-fief CGT-cheminots de Miramas (46 %).
Dans le pays d’Aix, les scores sont encore plus étonnants, car traditionnellement plus modérés, plus conformes aux classes moyennes qui en composent le tissu social. C’est ainsi la première fois que le RN arrive en tête à Aix-en-Provence, avec près de 23 %, devançant nettement Renaissance (17 %), le PS (16,5 %) et LFI (12 %). Et que dire d’Arles, elle aussi longtemps fief communiste, qui s’offre au RN avec 37 % des voix, distançant largement LFI (15 %) et le PS (13 %).
Que tirer de ces résultats ? Un krach majeur de la majorité présidentielle, à laquelle s’était pourtant ralliée la majorité politique régionale, et une vague extrémiste radicale, très brune, teintée ici ou là, notamment à Marseille, de rouge. Mais ce serait une erreur de la confondre avec une vague seulement contestataire anti-Macron. Elle porte avec elle un repli nationaliste et anti-européen qui, sans antidote efficace, dessine un horizon menaçant.