La vérité sur Gabriel Attal
Il ne suffit pas de dire que le nouveau Premier ministre est « de droite ». Il faut aussi le prouver. Petite démonstration à l’usage des sceptiques.
Depuis hier, dans beaucoup de commentaires – et à certains égards dans cette lettre – on a relevé que le jeune Premier ministre, dans son discours au Parlement, se référait avec insistance à des valeurs qu’on attribue généralement au patrimoine idéologique de la droite : l’autorité, le travail, la patrie, le mérite, etc.
Critique un peu courte, à vrai dire. Si on la prend au pied de la lettre, elle suggère que la gauche, par opposition à la droite, est hostile à l’autorité, au travail, à la patrie, au mérite, etc. Au moment où l’opinion s’inquiète du non-respect des règles dans la société, du manque de considération pour les travailleurs ou de l’effacement de la France sur la scène internationale, voilà qui ne risque pas de lui attirer de nouveaux électeurs…
Soyons donc plus concrets. Première remarque : on cherche vainement dans le discours de Gabriel Attal les mesures propres à réduire les inégalités en France, à soulager les plus défavorisés ou encore à mettre les plus fortunés à contribution pour redresser le pays, financer les services publics ou investir dans la transition écologique. Si le discours de politique générale d’hier est de droite, c’est d’abord en raison de cette absence, peu relevée par les médias.
Mais il y a plus précis et plus net. Deux exemples. Le Premier ministre a annoncé une modification de la loi SRU qui cherche à favoriser la « mixité sociale » dans les villes françaises. Aux termes de ce texte instauré par la gauche, les communes doivent parvenir à un minimum de 25% de logements sociaux dans leur ville. Or Gabriel Attal a décidé d’inclure désormais dans ce calcul « les logements intermédiaires accessibles à la classe moyenne ». Mesure facile à interpréter : ces logements ne concourent guère à la « mixité sociale », ce qui fera baisser mécaniquement les efforts demandés aux communes en ce domaine ; il s’agit surtout d’un clin d’œil à ces municipalités – de droite en général – qui cherchent à limiter le nombre de leurs habitants issus des classes populaires, dont la présence déplait à leurs électeurs.
Comme le confie au Monde Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, la fédération des bailleurs sociaux : « c’est une remise en cause, une façon de détricoter la loi SRU. Le logement locatif intermédiaire n’a pas de vocation sociale, il s’agit de logements aidés par l’Etat, mais pour loger la classe moyenne haute. » Philosophie sous-jacente dans le discours d’hier, à peine résumée : que les pauvres restent dans leur coin, sans importuner les riches.
Deuxième exemple, tout aussi éloquent : Gabriel Attal a décidé de supprimer l’allocation spécifique de solidarité pour les chômeurs en fin de droits (ASS). Également crée par la gauche (en 1984), l’ASS est actuellement accordée aux personnes ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage, si leurs ressources mensuelles ne dépassent pas le plafond net fixé à 1 271,90 € pour une personne seule ou 1 998,70 € pour un couple. Les actuels bénéficiaires – plus de 300 000 personnes – seront renvoyés au RSA.
En apparence, elles n’y perdront pas puisque les deux allocations sont d’un montant comparable. À cette nuance près : l’ASS compte dans le calcul des retraites et non le RSA. « Les droits à la retraite doivent venir du travail », a tranché Gabriel Attal. Certes. Mais avec un plafond aussi bas, on comprend bien que les personnes concernées comptent parmi les Français les plus défavorisés. Ceux-là verront donc leur retraite – déjà minimale – rognée en proportion. Pour le président du syndicat des cadres CFE-CGC François Hommeril, la conclusion est claire : le gouvernement « décroche petit à petit les dispositions qui permettent aux gens qui sont en situation de précarité momentanée dans leur carrière d’acquérir quand même des droits à la retraite (…) Vous allez pouvoir survivre, mais ce qu’il y a de bien, c’est que quand vous serez en retraite vous serez encore plus pauvre ». Moins de mixité sociale, plus d’inégalité : peut-on être plus clair ?