La voiture électrique : une vieille idée

par Pierre Feydel |  publié le 06/01/2024

 Un mode de propulsion qui a connu un franc succès… il y a plus d’un siècle!

La "Jamais Contente"

C’est « Le petit Parisien », du 30 avril 1899 qui l’annonce, en page 3. En bas de la cinquième colonne , le quotidien titre : « 100 kilomètres à l’heure ». Suit un articulet : « Hier sur la route centrale du parc agricole d’Achères, M. Jenatzy sur sa torpille-voiture “Jamais-Contente” s’est attaqué au record du kilomètre. Hâtons nous de dire qu’il a parfaitement réussi, couvrant le premier kilomètre, départ arrêté en 42” 4/5 et le second en 34 » exactement, ce qui représente la terrifiante vitesse de 106 kilomètres à l’heure. » 

Camille Jenatzy est un ingénieur belge d’origine hongroise passionné d’électricité, mais aussi d’automobile, de sport. Un jeune « sportsman » bien dans son époque qui multiplie les compétitions.

La « Jamais Contente “  possède une carrosserie oblongue en partinium , un alliage léger, de 3, 80 m. de long. La propulsion est assurée par deux moteurs de 68 CV qui entrainent les roues arrière.  Un véhicule qui tient plus du suppositoire-géant à roulettes que de la machine de course rugissante.

Personne ne va s’étonner que ce soit une voiture électrique qui emporte ce record. Il y a pléthore de ces véhicules quasi silencieux, chuintant, grésillant ou bourdonnant. La fée électricité a touché le monde de sa baguette magique. À l’exposition universelle de Paris en 1899, qui a vu naitre la Tour Eiffel, tout se veut électrique.

Un centralien, Louis Kriéger, transforme un fiacre en véhicule électrique. En 1901, il rallie Paris à Châtellerault (307 km) sans recharger. Aujourd’hui, une voiture électrique moderne parcourt environ 500 km. Son entreprise produit les « Electrolettes » des taxis . En 1900, 95 % de ceux qui circulent dans Paris sont électriques. Combien sont-ils ? 200, 300… bientôt un millier ? La voiture électrique est à la mode. Les ‘people’ de l’époque se font photographier à leurs commandes : Liane de Pougy, danseuse et courtisane, Cécile Sorel, actrice, Arlette Dorgère, meneuse de revues. Pour ne citer qu’elles.

Il faut des stations pour recharger les batteries. Une centrale au charbon à Aubervilliers permet de produire de l’électricité pour rechanger les batteries changées dans une vingtaine de stations à la périphérie de Paris. L’opération dure cinq minutes.

L’électricité gagne tous les véhicules utilitaires, jusqu’au gros camion de la raffinerie de sucre Say qui emporte 10 tonnes de charge utile. Les Américains, les Britanniques , les Allemands s’y mettent. En Autriche, un carrossier emploie un certain Ferdinand Porsche, futur père de la ‘coccinelle’, qui invente une des premières voitures hybrides, 300 exemplaires sont produits. Près de 60 000 véhicules à batterie sont mis en circulation en Europe et aux États-Unis avant 1915. Ford, le roi de l’automobile rencontre Edison, le pape de l’électricité en 1923. Ils concoctent un projet.

Mais Ford renonce. Il a compris que son projet est lié à l’électrification du territoire américain. Or, on est loin du compte. En France, en 1919, 7000 communes seulement sont électrifiées.

La Première Guerre mondiale a déjà consacré la victoire du moteur à explosion. Les taxis de la Marne sont des Renault AG-1, dotés d’un moteur à essence bicylindre de 1250 cm3, qui permettront d’acheminer les fantassins de la 7e division sur les flancs de l’armée Von Kluck.

 Le sort de la planète a donné en fin de compte raison à l’électricité. Comme si, sur la longue course de l’histoire, une tortue à piles avait fini par avoir raison d’un lièvre pétaradant.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire