L’Afrique et les COP

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 10/11/2024

Fortement concernée, l’Afrique sera-t-elle pour autant entendue lors des trois COP qui se tiennent cette année, à Cali (biodiversité), à Bakou (changement climatique) et à Ryad (désertification) ?

Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, au sommet de la COP 16 à Cali (Colombie) le 30 octobre 2024 (Photo de Joaquin Sarmiento / AFP)

Après les 20 objectifs d’Aïchi en 2010 puis les 22 objectifs de Kuongming-Montréal, que pouvait-on attendre de la COP 16 de Cali ? Le monde aurait-il progressé vers la préservation de 30% des terres et des mers ? Quant à la sauvegarde des espèces, que peut-on en espérer ?

Le débat est resté bloqué sur la question financière. Quand les pays du Sud réclament 200 milliards de dollars pour préserver leur propre diversité, ils ne peuvent encore en espérer que 15. L’égoïsme national règne en maître.

Le seul exemple de la déforestation suffit à l’illustrer, au Gabon comme dans les deux Congo. L’entretien des parcs nationaux, par exemple, coûte cher. C’est pourtant un des outils majeurs de préservations des territoires. Le parc des Virunga, aux confins de la RDC où s’entremêlent les conflits de tous types, le démontre sur tous les plans.

La biodiversité africaine est en grand danger. Les États ont pourtant fait des efforts puisque l’on estime à près de 15% la part des terres du continent préservées, soit la moitié du chemin à accomplir d’ici 2030. Malgré la présence du secrétaire général de l’ONU, celle de six chefs d’États et d’une centaine de ministres, malgré la tonalité dramatique du discours d’ouverture du président colombien Petro selon lequel nous assistons « au début de l’extinction de l’humanité », Cali se solde, le 1er novembre, par un échec. Rien d’étonnant en réalité, dans l’état actuel d’un multilatéralisme pétrifié et quand, sur les 196 États représentés à Cali, seuls une trentaine ont adopté une stratégie de préservation nationale.

Du 11 au 22 novembre, la COP 29 se tiendra en Azerbaïdjan, encore une fois au pays de l’or noir. Les réunions préliminaires n’ont guère été encourageantes, tant le débat est resté bloqué entre pays riches et pays pauvres. On a annoncé à corps et à cris que Bakou devait être la COP « des financements ». Mais il faut rappeler l’ampleur des principales questions du point de vue africain.

Premier questionnement : le constat de l’insuffisance criante du Fonds alimenté par les pays riches, créé à Copenhague dès 2009, pour permettre aux pays en développement d’atténuer les effets du changement climatique ou de s’y adapter. Les 100 milliards de dollars par an alors prévus, et péniblement atteints en 2022, sont largement insuffisants face aux besoins, notamment en matière d’adaptation. C’est la raison pour laquelle, réunis en septembre dernier à Abidjan, les pays africains ont estimé le besoin à hauteur de 1300 milliards de dollars par an. C’est dire le fossé existant entre les parties à l’orée de Bakou.

S’ajoute la question de la nature des allocations, les pays africains dont l’endettement ne cesse de s’accroître souhaitant moins de prêts et plus de subventions, ou davantage d’investissements venus du secteur privé. L’élargissement des montants envisagés suppose, en outre, un élargissement de la base des contributeurs, ce qui entraîne un double refus. D’une part, celui de toute contribution contraignante ; d’autre part celui de participer au financement pour les gros « nouveaux pollueurs » (dont la Chine ou l’Inde ou les principaux producteurs d’hydrocarbures, beaucoup étant réunis au sein des BRICS).

Il n’est pas certain, non plus, que le pays hôte, l’Azerbaïdjan, ayant déjà annoncé sa volonté d’accroître sa production pétrolière, souhaite rouvrir la discussion sur la conclusion des accords de la précédente COP de Dubaï : la sortie progressive des énergies fossiles. Ajoutons, enfin, que le Fonds « pertes et dommages » adopté rapidement, reste encore largement indéfini.

On en sait beaucoup moins sur la COP « désertification » de décembre en Arabie-Saoudite, sinon ses quatre priorités : la restauration des terres, la résilience à la sécheresse, la terre au cœur des Objectifs de Développement Durables (ODD) et les droits fonciers des femmes. Si l’on en juge par cette dernière priorité en un pays où les femmes n’ont guère de droits, le débat promet !

Jean-Paul de Gaudemar

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