L’agonie de la SDN, ancêtre de l’ONU
L’ONU, son conseil de sécurité bloqué, semble incapable de conjurer les conflits d’aujourd’hui. Un mal qui a tué, hier, la Société des Nations. Par Pierre Feydel
Le 7 juin 1936, Hailé Sélassié monte à la tribune de l’Assemblée générale de la Société des Nations (SDN) à Genève. Le sort de son pays envahi par l’Italie a ému l’opinion mondiale. L’empereur d’Éthiopie, copte donc chrétien, qui se veut descendant du roi Salomon et de la reine de Saba est un petit homme frêle. Il va tenir des propos d’une grande force. « C’est la sécurité collective. C’est l’existence même de la Société des Nations. C’est la confiance que chaque État place dans les traités internationaux. C’est la valeur des promesses faites aux petits États que leur intégrité et leur indépendance seront préservées. C’est le choix entre d’un côté le principe de l’égalité entre les nations, et de l’autre celui de l’acceptation de leur vassalité. En un mot, c’est la moralité internationale qui est en jeu », assène le roi.
Ces propos peuvent résonner fort aujourd’hui. En Ukraine, en Arménie et ailleurs… D’autant que l’avenir va hélas lui donner plus que raison, bien au-delà de la Deuxième Guerre mondiale qui s’annonce.
Le Duce, Benito Mussolini, dès sa prise de pouvoir en 1924, imagine dans ses rêves les plus fous, un empire fasciste qui n’aurait rien à envier à celui de la Rome antique. L’Italie est déjà présente en Libye, mais aussi en Somalie et en Érythrée. Entre ces deux territoires, le royaume d’Abyssinie parait une proie évidente pour le dictateur. D’autant que trente ans plus tôt, les Éthiopiens ont infligé une rude défaite au roi Humbert 1er à Adoua. Les Italiens n’oublient pas. Et dès 1930, ils multiplient les provocations. Le Négus en appelle à la Société des Nations, qui tergiverse…
L’organisation internationale date de 1920. elle est le fruit de l’idéalisme du président américain Woodrow Wilson. Soixante états en signent la charte. Le Congrès américain, lui, refuse. Une gifle pour Wilson. La France, le Royaume-Uni, l’Italie, le Japon et l’Allemagne font partie de son conseil permanent. La situation va vite se gâter. En 1931, le Japon a envahi le nord de la Chine.
La SDN réclame un retrait par un vote de son assemblée générale. Tokyo quitte l’organisation lorsque le 3 octobre 1935, l’Italie envahit l’Éthiopie. Le Négus tente de résister. Les Italiens utilisent les gaz, bombardent les hôpitaux. Combien de morts ? 200 000, 600 000… on ne sait pas trop. Le Négus fuit.
La résistance durera jusqu’en 1945. En mars 1936, Hitler occupe la rive droite du Rhin, il a quitté lui aussi la SDN depuis 1934. L’Italie condamnée par la SDN va en faire autant. Les trois pays qui vont constituer ce qu’on appellera l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale sont tous partis de l’organisation qui prétendait imposer le droit international au monde.
La SDN ne pourra pas s’opposer à l’Anschluss, l’occupation de l’Autriche par l’Allemagne, pas plus qu’à l’occupation des Sudètes, puis de la Tchécoslovaquie tout entière. Elle va même jusqu’à tenter d’interdire l’intervention des Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne alors que nazis et fascistes aident activement le Gérald Franco. En 1939, sursaut, elle expulse l’URSS qui n’a adhéré qu’en 1934, pour son invasion de la Finlande. Mais déjà, l’Europe est en guerre. La SDN est morte.
Pierre Feydel