Laïcité, j’écris ton nom

par Boris Enet |  publié le 09/10/2024

Lundi 8 octobre, une professeure a été agressée pour avoir demandé à son élève, lycéenne, de retirer son voile dans l’enceinte d’un établissement à Tourcoing. Ce n’est pas un fait divers.

Devant une école primaire, une femme portant voile et abaya attend le départ des élèves, à Valence. (Photo by Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via AFP)

Il faudrait un inventaire à la Prévert pour cumuler la litanie des atteintes à la laïcité dans nos écoles. Présenté comme un fait divers parmi d’autres, cette énième agression à l’encontre d’une enseignante dit pourtant, une fois de plus, quelque chose de l’époque que nous traversons.

Parce que nous nous apprêtons à commémorer l’assassinat bestial de Samuel Paty, puis celui de Dominique Bernard, parce que des forces populistes à la dérive encouragent le repli communautaire à des fins électorales, parce que le niveau d’instruction se porte mal en France, cette gifle n’est pas un fait divers, mais un symptôme qu’il nous faut traiter collectivement.

Le ministère de l’Éducation et ses serviteurs du quotidien sont pourtant en mesure d’y remédier, à la double condition de l’exigence des savoirs et d’une fermeté assumée sur les principes. La laïcité est un pacte unissant des hommes et des femmes de toutes générations, de toutes conditions, de toutes origines. Chaque attaque contre ces fondements est une menace, un pas vers l’effondrement de nos connaissances.

Le drame qui se joue sous nos yeux au Proche-Orient, rappelle la tragédie d’un espace soumis à la règle de Dieu. Le retour du religieux ou des superstitions les plus fantasques prend la forme d’une vague qui déferle sur le « Sud » (à considérer qu’il soit prétendument global) mais aussi sur les démocraties occidentales.

Ainsi, la première démocratie du monde, aux prises avec l’offensive de la « Bible belt », peut possiblement en payer le prix fort d’ici un mois. Marianne, elle, ne parviendra à s’en défaire qu’en brandissant fièrement l’étendard de la Raison et du Progrès contre la conjonction des réactionnaires et des populismes promettant l’enfer.

Pour cela, elle ne doit pas seulement résister mais contre-attaquer.

Elle le fit à la rentrée dernière promulguant l’interdiction du port de l’abaya, un acte courageux et attendu, au crédit de Gabriel Attal. Elle en prend la mesure dans de trop rares portions du territoire, à l’image de l’énergique combat mené par le maire de Montpellier pour célébrer la vieille dame de cent-dix-neuf ans. Pourtant, ce combat devrait être celui de tous les honnêtes républicains, comprenant que notre démocratie est viscéralement liée à la laïcité.

A rester l’arme aux pieds, la farandole des intégristes progresse car le mouvement de l’Histoire ignore souvent le statu quo. Les assassins de Paty, à la barbe et au couteau, utilisent les réseaux poubelle pour instrumentaliser une jeunesse abêtie. Essayant de grapiller quelques mètres pour se couvrir les cheveux, testant la République sur ce qu’ils nomment avec LFI, la « police du vêtement », ils regorgent de trouvailles et d’inventions parce que nous avons été faibles, trop longtemps.

Demain ou après-demain, des blocus et des manifestations de soutien cyniques tenteront de dénoncer la garde à vue de cette jeune fille sans égard pour une enseignante bafouée dans l’exercice de son métier.

La gauche démocratique, comme elle le fait toujours contre la peste brune, doit bâtir une digue sans exclusive pour défendre la laïcité. C’est son histoire. C’est son avenir.

Boris Enet