Lampedusa : Meloni ramenée sur terre
Les néo-fascistes italiens avaient promis de réduire l’immigration de manière draconienne. Ils butent maintenant sur le réel…
Le « yaka » de l’extrême-droite a de nouveau fait la preuve de son efficacité… « Yaka » tous les renvoyer, « yaka » fermer les frontières, « yaka » montrer qui c’est Raoul aux pays du Sud… Giorgia Meloni s’est fait élire en promettant aux Italiens de ramener l’immigration à un chiffre epsilonesque. Un an plus tard, les arrivées de migrants sur le sol italien ont nettement progressé et – symbole des symboles – la petite île méridionale de Lampedusa est submergée en quelques jours par l’irruption d’un nombre de réfugiés supérieur à sa population. La renégociation des accords avec la Tunisie et le harcèlement des ONG, sésames méloniens, ont fait long feu. La tragique vérité des flux migratoires s’est imposée au gouvernement italien.
Peu instruite par cette expérience pourtant édifiante, l’extrême-droite française dégaine à son tour l’arme du « yaka ». Marion Maréchal Le Pen saute dans un avion pour se faire filmer chevelure au vent sur un fond de damnés de la mer. Elle veut illustrer aux yeux des électeurs français « la submersion », non d’un îlot touristique proche des côtes tunisiennes, mais celle du continent européen tout entier, allusion un peu lourdingue à la dystopie réactionnaire écrite il y a cinquante ans par le facho Jean Raspail, Le Camp des Saints, bible de l’extrême-droite qui met en scène un paquebot chargés d’immigrés mettant le feu à la civilisation européenne. Marine Le Pen et Jordan Bardella, devant leurs troupes réunies, font assaut de la même démagogie, refusant « qu’un seul de ces migrants » mette le pied en France. Tous proposent tout bonnement ce qu’avait esquissé Meloni pendant sa campagne : l’immigration zéro, Graal lepeno-zemmourien censé régler tous les problèmes.
Seulement voilà : soucieuse de ne pas sortir de l’Union européenne, dont elle dépend pour ses finances et son économie, la présidente du Conseil italienne doit gérer, non plus un fantasme, mais une réalité : le traitement de cette arrivée massive selon les principes de l’Union. Il est donc impossible, sauf à contrevenir à toutes les chartes internationales, de renvoyer brutalement ces réfugiés d’où ils viennent. Meloni n’a d’autre solution que de demander l’aide d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour accueillir décemment ces arrivants, examiner leur situation, accepter et répartir en Europe ceux qui remplissent les critères d’admission, et organiser dans la dignité le retour des autres dans leur pays d’origine (des nations d’Afrique subsaharienne, en général).
Car la politique d’immigration européenne, aussi imparfaite soit-elle, est aujourd’hui la seule disponible. L’immigration zéro – antienne nationaliste et attaque frontale contre les droits élémentaires – n’est ni souhaitable ni possible. L’immigration infinie, qu’une partie de la gauche, sans trop le dire, semble suggérer, est à la fois une idée déraisonnable et le meilleur moyen de mettre l’extrême-droite au pouvoir. Reste le compromis prôné par les gouvernements rationnels du continent : mieux accueillir les réfugiés qui sont persécutés dans leur pays, mieux reconduire ceux qui ne le sont pas. Tout le reste, il faut le craindre, est dangereuse démagogie