L’antisémitisme, le socialisme des imbéciles
La saillie de Guillaume Meurice, chroniqueur proche de la gauche de la gauche, réveille le spectre dangereux de l’antisémitisme de gauche.
C’est le type même de la blague imbécile qui vient remuer dans une partie du public les préjugés les plus sommaires et dangereux. Guillaume Meurice sur France Inter, croit se distinguer par son audace comique en qualifiant Benyamin Netanyahou de « nazi sans prépuce », lourdingue et honteuse assimilation d’Israël au Troisième Reich, assortie d’une allusion graveleuse à la circoncision. On peut trouver pour critiquer Netanyahou toutes sortes de comparaisons peu flatteuses – et on ne s’est pas privé de le mettre en cause ici – mais quiconque est doté d’une vague mémoire historique sait de l’assimilation des Juifs aux nazis n’est qu’une grossière insulte fondée sur la bêtise et l’ignorance. Ce qui n’empêche en rien de fustiger la politique de la droite israélienne.
Au moment où les actes antisémites se multiplient de manière inquiétante, obligeant la Première ministre à une mise en garde solennelle devant l’assemblée, il y a là une irresponsabilité que la qualité de chroniqueur plus ou moins comique ne saurait absoudre. On attend des professionnels du rire qu’ils fassent preuve d’un peu d’esprit, et il n’y a pas là plus d’esprit que de beurre en branche.
Le mot « imbécile » pour qualifier cette blague n’est pas ici employé au hasard : c’est le social-démocrate August Bebel, impatienté par les diatribes anti-juives de certains de ses camarades, qui avait défini l’antisémitisme comme « le socialisme des imbéciles ». Guillaume Meurice – chacun le sait et l’intéressé ne s’en cache guère – défend des positions proches de celles de la gauche de la gauche. Sans s’en rendre compte, peut-être, il réveille par sa sortie un spectre qu’on avait un moment cru relégué au musée, celui de l’antisémitisme de gauche.
Vieille tradition, inférieure en intensité et en effets nuisibles à celle de la droite nationaliste, mais néanmoins vivace au 19ème siècle et même au 20ème. On en trouve la trace chez Fourier, Proudhon, Blanqui, et même… Marx, pourtant fils de rabbin, qui tous associaient les juifs à l’argent et au capitalisme. Jaurès lui-même, comme l’écrit Madeleine Rebérioux, a été effleuré par « l’antisémitisme populaire » avant de devenir l’un des défenseurs la plus acharnés d’Alfred Dreyfus.
Ce qui ne peut faire oublier la solidarité active dont la gauche a témoigné aux moments décisifs avec les Juifs persécutés, pendant la Révolution, au moment de l’affaire Dreyfus ou pendant les années trente et quarante face aux diatribes haineuses de l’extrême-droite et à la politique antijuive de Vichy. En dépit des errements de certains courants minoritaires, le refus de toute discrimination et de toute persécution, notamment celles qui frappent les Juifs, est constitutif de la République et du socialisme.
Une histoire que Guillaume Meurice, quoique campé sur des positions très à gauche, sans doute aveuglé par son penchant pour la radicalité, doit connaître et qu’il a choisi d’ignorer.