Le « Batavia » : un tueur parmi les naufragés

par Yoann Taieb |  publié le 04/11/2023

Un imposant navire gorgé d’épices et d’or, un récif imprévu, et des rescapés qui vont s’entretuer jusqu’au dernier. Entre drame humain et sauvagerie, un des naufrages les plus marquants de l’histoire maritime, celui du Batavia

Le Batavia, renommé Jakarta, était un « indiaman », un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Il se classait parmi les plus imposants navires à avoir jamais sillonné les océans. Armé de 30 canons, il affichait un tonnage impressionnant de 1 200 tonnes, arborait trois mâts et transportait 350 passagers, dont les deux tiers étaient des marins et des soldats de la compagnie)

Cependant, malgré sa quête effrénée d’épices et son trésor à bord – il transportait une somme colossale de 250 000 florins lourds –  sa course fut brusquement stoppée par un naufrage. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1629, le navire heurta un récif dans l’archipel des Abrolhos, situé à 80 kilomètres de la côte australienne, alors inconnue des marins et des géographes. Les navires se dirigeant vers l’actuelle Indonésie exécutaient traditionnellement un changement de cap en direction de cette région pour remonter vers l’île de Java au nord-est.

Le Batavia s’encastra littéralement sur le récif et ne parvint pas à se libérer. En l’espace de quelques jours, il fut brisé par l’océan. Les passagers et l’équipage furent débarqués sur l’archipel, qui était constitué de bancs de sable dépourvus de végétation significative.

Cette BD met en lumière la réalité historique du naufrage du Jakarta en tant qu’exemple marquant de la perte totale d’empathie au sein d’un groupe d’individus, associée à la suspension de leur jugement moral. Une situation qui a conduit immédiatement au sadisme et au massacre général. Même naufragés et perdus, les humains gardent la capacité à… s’entretuer jusqu’au dernier.

C’est une lecture fascinante d’un point de vue historique et incontournable pour les passionnés de l’histoire des explorateurs et autres découvertes du bout du monde. Ce récit invite fortement à réfléchir sur l’étrangeté de la nature humaine, la construction et la mise en place d’un nouvel ordre au sein d’une société organisée, la répression, l’humanité… Un tableau du genre humain, en quelque sorte.

Coup de chapeau aux auteurs. Xavier Dorison a su adapter l’histoire authentique du Batavia, rebaptisé Jakarta, en jouant avec la véritable histoire sans occulter l’horreur des faits. Thimothée Montaigne propose des illustrations d’une grande beauté. Petit plus pour les amateurs, l’album est présenté dans une magnifique édition incrustée faisant penser aux éditions Hetzel du XIXe siècle.

1629, ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta

Yoann Taieb