Le budget 2025 déjà caduc
La prévision de croissance a été surestimée alors que des dépenses nouvelles vont s’imposer. Le retard industriel de la France continue à produire ses effets…

Amère constatation : à peine plus d’un mois après l’adoption du budget 2025, les prévisions économiques le rendent déjà caduc. Dans l’espoir de contenir le déficit budgétaire à 5,4% du PIB, ce budget a été établi sur la base d’une croissance de 0,9% – déjà en retrait de 0,2 point par rapport à l’année précédente. Mais pour la Banque de France, la croissance pourrait en réalité ne pas dépasser 0,7% sur l’ensemble de 2025, après le ralentissement déjà observé en fin d’année dernière.
L’économie paie son tribut au freinage de la réindustrialisation, avec une baisse de 30% l’an dernier du nombre des ouvertures de sites selon le baromètre de l’État, mais aussi au désordre mondial et à la défiance des investisseurs. Au moment où tournent les calculettes pour trouver une issue au financement du réarmement qui s’invite dans les débats, ces prévisions vont compliquer un peu plus les arbitrages auxquels Bercy est confronté pour ne pas alourdir le déficit budgétaire.
Les propos de Donald Trump évoquant la « période de transition » que les États-Unis vont traverser en raison de sa politique protectionniste, trouvent aussi un écho dans les projections de l’OCDE. L’organisation n’envisage pas de récession outre-Atlantique comme certains observateurs le craignent, mais prévoit deux années de recul de la croissance américaine, entraînant dans sa chute les économies voisines du Mexique et du Canada. Globalement, l’ensemble du commerce mondial est révisé à la baisse, du fait aussi du tassement de la croissance chinoise.
L’Union européenne, premier partenaire commercial des États-Unis, avec qui elle entretient un flux d’échanges de plus de 1500 milliards d’euros par an, n‘échappe pas aux conséquences du nouvel isolationnisme américain et de ses taxes à l’importation. L’Allemagne, par exemple, est encore plus touchée que la France, avec une croissance ramenée à 0,4%. Toutefois, grâce à la consommation de ses 450 millions d’habitants, la croissance dans l’Union européenne devrait être sauvegardée, grâce notamment à un dynamisme plus affirmé de la Pologne, de l’Espagne, de la Grèce ou du Danemark… des pays moins impliqués dans les échanges avec les États-Unis.
Équation énergétique
Pour consolider la croissance, l’Europe aurait besoin d’investir et de gagner en productivité. Dans cette optique, Mario Draghi, ex-président de la Banque centrale européenne et ancien président du Conseil italien, a récemment formulé une proposition, comme le rappelle la revue Le Grand Continent. Soulignant des prix de gros de l’électricité deux à trois fois plus élevés en Europe qu’aux États-Unis, il considère qu’une politique de relance de la compétitivité européenne « doit avoir pour objectif premier la réduction des factures d’énergie ». Or, compte tenu de la réglementation européenne sur la fixation des prix de l’énergie, c’est le prix du gaz qui a fixé celui de l’électricité dans 60% des cas (en 2022) alors qu’il n’a représenté que 20% du mix de production énergétique en Europe. D’où sa proposition de « découpler le prix de l’énergie produite par les renouvelables et le nucléaire de celui de l’énergie fossile ». Ce qui devrait inciter les pays de l’UE à accélérer le développement des énergies propres. Ainsi, Mario Draghi s’est-il fait devant le Sénat italien l’avocat d’un découplage réclamé par la France et auquel la Commission européenne s’est engagée à répondre. Ce qui constituerait une réelle avancée dans le contexte de la guerre en Ukraine.