Le chômeur, ce pelé, ce galeux…
Le gouvernement ne touchera pas aux impôts, notamment ceux des plus favorisés, fidèle à sa dogmatique promesse. En échange, il projette de réduire la durée d’indemnisation des chômeurs : il est plus facile de s’attaquer aux faibles qu’aux forts.
Commode de s’en prendre aux chômeurs… Isolés, sans syndicats, soumis à des situations disparates, souvent persuadés, à tort, que leurs difficultés traduisent, non les dysfonctionnements de la société, mais leur propre insuffisance, préfèrant souvent taire leur statut par peur de déclencher la gêne de leur entourage, ils ne risquent pas de mettre le gouvernement dans l’embarras. Gabriel Attal a donc trouvé les victimes idéales, qui ne risquent pas de se mettre en grève, ni d’enfiler un gilet jaune, ni de jeter de la soupe sur la Joconde.
Il y a derrière les mesures projetées un raisonnement officiel : il faut inciter les Français à retrouver du travail quand ils n’en ont plus. Sous-texte, résumé en termes triviaux : les chômeurs sont des paresseux, il faut cesser de les payer à se tourner les pouces. Au-delà de ce cliché réactionnaire bien connu, qu’en est-il vraiment ?
Toutes les enquêtes sur la question convergent. Exemples : selon les chiffres donnés par le mensuel Capital, 16.400 affaires de fraude ont été mises au jour en 2018, pour un total de 206 millions d’euros, soit 0,5% des allocations versées. Le chiffre est sans doute sous-estimé, dit le magazine, mais il donne un ordre de grandeur. De même les enquêtes diligentées par France-Travail (ex-Pôle emploi) montrent qu’une partie des chômeurs ne recherchent pas assez activement un emploi. Mais c’est une minorité (ordre de grandeur, selon une des études : 15%), et les contrôles se renforcent d’année en année.
Autrement dit, quelque 85% des chômeurs respectent la loi et leur situation n’a rien à voir avec la paresse (sachant au passage que la moitié d’entre eux ne touchent rien et que la moyenne des revenus des sans-emplois se situe autour de 1300 euros par mois). Il y a des « faux chômeurs ». Mais la plupart des inscrits sont des vrais, qui verront leur durée d’indemnisation réduite, alors même qu’ils s’échinent en vain à trouver un emploi. Pour réduire la minorité de ceux qui « tirent sur la corde », on frappe donc tous les autres, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne roulent pas sur l’or.
Commode de s’attaquer à eux : en diminuant la durée d’indemnisation, on réduit mécaniquement leur nombre. Privés d’indemnités, ils basculeront dans un autre statut et les statistiques de l’emploi en seront améliorées, indépendamment de la réalité sociale. Ce qui plaira aux agences de notation qui jugent sévèrement la France et risquent de dégrader la cote du pays. Ce qui permettra au gouvernement de bomber le torse en excipant de chiffres meilleurs. Et c’est un jeune ancien socialiste qui vient d’annoncer le projet, avec une grande tranquillité d’esprit : il n’a jamais été ni salarié, ni chômeur.