Le combat des anciens du JDD : « Plus jamais ça ! »

par Jean-Paul Mari |  publié le 07/10/2023

Après 40 jours de grève et le départ des anciens, la bataille continue,  explique Antoine Malo, membre de la Sociéte des Journalistes

Réunion de soutien à l'employé du Journal du Dimanche (JDD), organisée par RSF en juin 2023. L'un des plus grands journaux français est dans la tourmente après la nomination choc d'un rédacteur en chef d'extrême droite - Photo Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Antoine Malot – « La soirée organisée ce lundi 9 octobre au théâtre du Châtelet sera festive, engagée et combattive. Elle est le prolongement de notre grève qui a duré 40 jours, de tout ce pour quoi on s’est battu. En rester là aurait été dommage après tout le soutien que nous avons reçu. Dommage que l’aventure s’arrête là. Comme cela s’est passé hélas trop souvent pour d’autres rédactions.

Festive, parce que ce sera tout sauf un enterrement ! Avec une belle fournée d’artistes, d’humoristes ( Voir l’article complet sur la soirée). Engagée, avec deux grands débats politiques. Le premier, avec la participation de trois députés, et animé par l’économiste Julia Cagé, s’attaquera au problème crucial de la concentration des médias et des propositions de loi qui ont fleuri sur la question de leur indépendance. Le deuxième, avec la participation de plusieurs journaux, interrogera le statut des Sociétés de Journalistes. Combattive enfin parce que, sur chaque argument, nous serons là pour faire avancer les choses.

LeJournal.info Dimanche – Comment la rédaction a-t-elle vécu le choc de ces 40 jours de grève ?

A. M – Dur ! Cela commence par de la sidération, le 22 juin dernier, suite à une info du journal Le Monde : «  Lejeune va arriver à a tête du JDD ». Personne n’y croit, comme le déni dans les grandes catastrophes… « Ce n’est pas possible ! ». On cherche une confirmation de la direction, elle arrive le lendemain, par un communiqué qui parle du « talent brut » de Geoffroy Lejeune. Nous, nous sommes déjà en grève depuis la veille. Sans imaginer que ce serait aussi long !

Notre objectif : empêcher l’arrivée d’un ancien de Valeurs Actuelles, connu pour ses positions marquées à l’extrême droite. À ce moment-là, on est tous persuadés qu’un profil aussi idéologique ne peut prendre la direction de notre journal, un hebdo généraliste d’information. Douche froide. Une première rencontre avec la direction de Lagardère nous fait comprendre que ce n’est pas négociable. Nous sommes un collectif de 100 journalistes, CDI et pigistes, on proteste, on argumente, on défend nos valeurs… peine perdue.  Dialogue de sourds. On essaye au moins d’obtenir des garanties d’indépendance pour les autres publications du groupe. Un mur.

Le mois d’août approche et l’été devient irréel. Lejeune est déjà dans nos locaux.

Que faire ? Sinon, négocier notre départ. À 90 %, nous ne serons plus là lors de la prise de contrôle du journal par Vincent Bolloré.

LJ – Avez-vous eu un contact avec lui ?

A.M: Jamais.

LJ – La bataille est-elle perdue ?

Oui. Cette bataille reste une dynamique, un élan, une idée et une équipe. On crée une association. Nous sommes là. Au moment même où le gouvernement vient d’ouvrir les États-Généraux de l’Information. Nous, en contact avec d’autres associations, nous voulons mobiliser les politiques et nous adresser aux citoyens pour travailler ensemble, porter une parole, avec la volonté d’aller de l’avant. Nous avons un vécu. Et l’expérience des autres quand d’autres médias – ITV, E1, Paris-Match – qui ont connu la même épreuve. Et après ? Tout s’est dissous. Trop triste ! Ce n’est pas inéluctable. On va se battre pour imposer le « plus jamais ça ! »

On veut en finir avec l’hystérie médiatique, revenir au journalisme de la raison, faire en sorte que les 80 % de citoyens qui ne croient plus aux médias classiques reviennent vers le journalisme fondamental.

LJ – Remettre le journalisme au cœur de la cité ?

A.M – Exactement. Et de la loi. En portant devant l’Assemblée nationale la question de la concentration des médias, de l’indépendance éditoriale et de la protection des rédactions. Cela passe par le politique parce que c’est politique.

LJ – Si la presse est en danger…

A.M– … C’est la démocratie qui est en danger. C’est une évidence, non ?

Jean-Paul Mari