Le Comet : un accident d’avion ne tue pas que les passagers…

par Pierre Feydel |  publié le 22/03/2024

Les accidents à répétition du Boeing 777 mettent à mal son constructeur. Hier, un avion britannique a tué la firme De Havilland

Comet De Havilland- D.R

Le DH106 Comet a été conçu, développé, construit par la firme De Havilland Aircraft company à Hartfield dans le Hertfordshire, un comté au nord de Londres. De Havilland est célèbre pour avoir produit pendant la guerre le chasseur-bombardier bimoteur tout temps Mosquito. « Messie » comme on l’appelait familièrement dans la Royal Air Force, s’est illustré dans de multiples missions. Sa structure en bois en faisait un combattant plus rapide que les chasseurs de la Luftwaffe. La firme a perpétué dans le civil sa tradition d’innovation.

Le Comet lancé en 1949 est le premier long courrier propulsé par 4 réacteurs, des Rolls-Royce Avon. Sa vitesse de croisière se stabilise à 772 km/h. Deux fois plus qu’un avion à moteur. L’industrie aéronautique britannique a pris cinq ans d’avance jugent les experts de l’époque. Le Comet n’embarque que 36 à 44 passagers, mais il vole deux fois plus vite. Et depuis 1945, le trafic aérien mondial double tous les 15 ans…

Le 10 janvier 1954, le vol 781 Rome-Londres de la British Overseas Aircraft Corporation s’abime dans la Méditerranée au large de l’île d’Elbe. Aucun survivant. Il y a des débris et des corps partout dans la mer. Les pêcheurs trouvent une robe de mariée entre deux eaux… Les Comet sont immédiatement cloués au sol. Le 23 mars, ils sont de nouveau autorisés à voler. Le 8 avril, un autre appareil de la South African Aitways, parti de Rome vers Le Caire, disparaît dans la mer au large de Naples. Cette fois, l’avion est interdit de vol partout dans le monde.

Un haut magistrat, Lord Cohen, préside une commission d’enquête et l’équipe d’investigation est dirigée par sir Arnold Hall, un très brillant ingénieur. Il a recueilli les restes du vol 781. Leur examen l’incite à penser que l’avion a explosé en vol et que quelque chose s’est passé au niveau de la structure de l’appareil. Les experts se font prêter une cellule de Comet par De Havilland. Ils l’immergent dans un immense caisson rempli d’eau et augmentent la pression de celle-ci. L’opération est répétée avec une intensité croissante plus de 3000 fois. Jusqu’à ce que le fuselage éclate.

C’est un rivet d’un hublot carré à l’arrière du cockpit qui a causé la catastrophe. Ces rivets sont installés dans l’alliage d’aluminium par poinçonnage et non par forage. Le trou du poinçonnage n’est pas parfait. Le métal fatigue, ce qui peut provoquer des fissures fatales. Le Vol 781 s’est coupé en deux à 12 000 mètres d’altitude. Tous les avions sont alors retirés du service et les compagnies annulent leurs commandes.

De Havilland se met immédiatement au travail pour éliminer ce défaut. Le 27 avril 1958, le Comet 4 effectue son vol d’essai. Les hublots sont ovales, dotés d’une protection pour empêcher les fissures et leur propagation. Trop tard…

Boeing avec le 707, Douglas avec son DC8, ont conquis le marché. Les jets américains sont plus grands, leur rayon d’action plus élevé, leur exploitation plus rentable. L’aéronautique britannique a perdu son avantage concurrentiel. Deux ans plus tard, Hawker-Siddeley rachète De Havilland. En 1977, le tout est absorbé par British Aerospace. De Havilland a vécu.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire