Le crime des climato-sceptiques

par Laurent Joffrin |  publié le 16/07/2023

Les négateurs du réchauffement climatique ont retardé pendant de longues années l’action nécessaire, alors que les canicules de ce mois de juillet démontrent avec éclat la justesse des avertissements du GIEC

Laurent Joffrin

L’histoire dira la responsabilité écrasante de ce courant absurde et, au bout du compte, criminel, qu’on a appelé le « climato-scepticisme ». Souvenons-nous de ces aphorismes sarcastiques qui ont déboussolé l’opinion pendant de longues années. « Il fait froid en ce mois de mai, où est le réchauffement climatique ? » ; « depuis le début des années 2000, le thermomètre stagne : nous sommes sur un plateau des températures » ; « le climat a toujours fluctué dans l’histoire, rien de nouveau sous le soleil » ; « le GIEC est composé de militants écologistes partisans et dogmatiques », « que nous fait, au fond, une augmentation moyenne de 1 degré ? Il fera un peu plus chaud en été, un peu moins froid en hiver, voilà tout », etc.

Depuis le début du mois de juillet, les canicules se multiplient dans le monde, des centaines de millions de personnes subissent ses chaleurs inédites et accablantes, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont mortes en Europe en raison de températures excessives, la hausse du thermomètre bat record sur record et la température des mers, en Méditerranée notamment, passe toutes les normes saisonnières.

Peut-on reprocher aux experts du GIEC de s’être trompés dans leurs prévisions ? Oui : ils ont sans doute sous-estimé la vitesse du réchauffement planétaire.

Alors que le phénomène a été prouvé scientifiquement, il y a des lustres, que le rôle de l’intensité des gaz à effet de serre dans l’atmosphère a été établi depuis belle lurette, une cohorte disparate de scientifiques égarés, de lobbyistes plus ou moins camouflés, de politiques ignorants et de démagogues sans scrupules ont maintenu un faux équilibre dans le débat, entre ceux qui s’appuient sur la science et ceux qui la nient.

La chose pouvait, à la rigueur, se comprendre il y a vingt ou trente ans, quand la prise de conscience était encore fragile, que les phénomènes extrêmes étaient moins répandus et que les prévisions du GIEC, quoiqu’irréfutables, ne pouvaient pas s’appuyer sur des exemples évidents.

Mais au tournant des années 2000, les résultats des climatologues ont définitivement fait consensus dans la communauté savante et chez les principaux gouvernants. Les conférences sur le climat ont étalé toutes les preuves devant l’opinion et auprès des décideurs.
Mieux : on s’est aperçu que les principaux détracteurs du GIEC, présentés comme des experts indépendants, avaient le plus souvent partie liée avec les industries carbonées.

C’est à ce moment que le climato-scepticisme est devenu un complotisme. Pour que le doute continue de troubler l’opinion et de paralyser les autorités, il fallait admettre que les climatologues de la planète s’étaient coalisés pour mentir, que le GIEC était une alliance d’intégristes verts, que les gouvernements qui acceptaient de participer aux « COP » successives et d’en approuver les conclusions n’étaient que des gogos manipulés par les militants ou des affabulateurs animés d’intentions maléfiques.

Bref, qu’une coalition mondiale de charlatans cyniques et de faux savants entretenait l’opinion dans une panique factice et funeste.

Ainsi déboussolée, l’opinion a laissé les gouvernements, certes persuadés du danger, mais réticents à en tirer les conséquences, prendre un retard dramatique dans la lutte contre le dérèglement climatique. La canicule qui frappe aujourd’hui une partie de la planète donne l’idée de ce que sera le climat si ces retards perdurent : la source de désordres croissants et de souffrances massives.

A quelque chose, ces malheurs seront-ils bons ? Pas sûr. Quelque 30 % des citoyens, dans la plupart des pays, restent climato-sceptiques, enfermés dans les « bulles cognitives » négationnistes des réseaux sociaux. On doit le craindre : il faudra encore plusieurs catastrophes pour que la priorité climatique s’impose, non seulement dans les discours, mais dans la réalité des politiques nationales.

Laurent Joffrin