Le dragon à cent têtes

par Pierre Feydel |  publié le 17/05/2024

Les communistes chinois avaient d’abord besoin d’une police secrète. Avant de construire une grande agence de renseignement extérieur

Le drapeau chinois devant le bâtiment de l'ambassade de Chine à Berlin le 22 avril 2024. Le 22 avril 2024, des enquêteurs ont arrêté trois ressortissants allemands dans l'ouest de l'Allemagne, soupçonnés d'espionnage pour le compte de la Chine - Photo JOHN MACDOUGALL / AFP

Au lendemain de la proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949, le pouvoir communiste ne s’est pas vraiment doté d’un service de renseignement extérieur. Le Parti communiste chinois s’est surtout préoccupé de répression intérieure. C’est ce dont s’occupe principalement le ministère de la Sécurité publique, le Gongambu. Kang Cheng surnommé le « Beria chinois »  s’est surtout appliqué à Yan’an, la base communiste de l’époque , en 1937, à débarrasser le parti de tous les éléments douteux, anti-maoïstes ou supposés tels.

Cette purge appelée pudiquement « mouvement de rectification » était une copie de celles menées en Union soviétique à la même époque. D’ailleurs Kang Cheng était à ce moment-là à Moscou pour étudier les techniques de sécurité et de renseignement. Le service chinois était plus une police secrète qu’une agence d’espionnage.

Mais peu à peu la Chine, va mettre en place une véritable organisation de récolte des renseignements à l’étranger. En 1950, chaque ambassade abrite un « Bureau d’investigation et de recherche ». Le nouveau service, le « département d’investigation du comité central » , le Diaochabu a des procédures de travail beaucoup plus souples que le KGB.

Les renseignements sont analysés par l’Institut des recherches contemporaines internationales créé en même que le Collège des Affaires internationales qui forme les agents secrets. Toutes ces innovations sont approuvées par Zhou Enlaï, maître de la diplomatie chinoise, qui a œuvré pour ces réformes. Mais déjà, le temps des troubles arrive, la révolution culturelle va tout bouleverser.

Kang Cheng un temps réapparu va disparaître rongé par le cancer. Zhou Enlaï puis Mao meurent en 1976, l’ « Année du Dragon » , celle des grands bouleversements. Deng Xiaoping a pris le pouvoir avec l’aide des militaires. Les services de renseignement sont en mauvais état. Une grande opération d’inventaire de leurs activités sous le règne de Mao est lancée. Kang Cheng sert de bouc émissaire. Il est exclu du parti post-mortem.

Le 6 juin 1983 est créé le ministère de la Sécurité d’État, le Guoambu. Il comprend 7000 fonctionnaires, rassemble les effectifs du Gongambu et du Diaochabu. Il est divisé en onze bureaux aux missions spécifiques du renseignement à l’étranger, aux infiltrations vers les zones convoitées par la Chine, Hong-kong, Macao, Taïwan, en passant par la recherche de l’information scientifique et technique.

A la fin des années 80, les diplomates étrangers en poste à Pékin s’intéressent vivement à un institut nouvellement créé qui semble dédié à la formation de spécialistes de l’économie. Ce n’est que l’un des viviers de ces « poissons de grand fond », ces agents d’élite immergés dans la vie politique , culturelle, économique, scientifique , technique des sociétés occidentales. Le Guoambu est destiné à un immense développement. D’autant que Deng Xiaoping en libéralisant l’économie chinoise, en voulant défier l’Occident sur tous les terrains, a un immense besoin de renseignements de tous ordres, particulièrement dans les domaines scientifiques et techniques.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire