Le fléau antisémite
Depuis le 7 octobre, les actes antisémites ont plus que décuplé en France. Une tache sur le drapeau de la République.
Le mal court, encore et toujours. Le mal revient, le mal augmente, le mal prospère. Ici un chauffeur d’Uber fait sortir un client de sa voiture parce qu’il est juif. Là un mur est souillé d’un slogan de haine ou d’un appel au meurtre. Ici, là, un peu partout, les insultes fusent, les menaces de mort se répandent, les messages empoisonnés infestent la toile.
Un raz-de-marée ? Certes non. Mais une flambée, à coup sûr. En trois semaines, depuis le 7 octobre, on a recensé plus d’actes antisémites en France que pendant toute l’année 2015, lors de la dernière recrudescence, peu après les attentats islamistes. Les Français juifs sont angoissés, ils retirent les mezouzas de leur porte, ils renoncent à porter la kipa dans la rue, ils évitent certains quartiers à l’approche de la nuit, ils changent leur nom pour commander un taxi ou un repas chez Uber eats. Que dire ? Sinon que sept décennies après la fin de la Seconde guerre mondiale et plus un siècle après l’affaire Dreyfus, cette résurgence hideuse est une honte pour la République.
On dira que c’est le triste effet d’un conflit importé du Proche-Orient, qui accuse les tensions, favorise l’intolérance, aiguise les haines croisées entre les deux parties. Erreur et faux équilibre. Une simple remarque en atteste : alors même que le Hamas a entamé cette séquence guerrière par une attaque terroriste barbare, les actes antimusulmans n’ont pas connu de hausse notable. En France, seuls les juifs sont visés par les débordements. Remarque à la portée plus générale, d’ailleurs : dans le cours ordinaire du temps les actes antisémites sont déjà plus nombreux que les actes antimusulmans, tous également scandaleux. Mais il y a dix fois moins de juifs en France que de musulmans ; les premiers sont donc, en proportion, beaucoup plus touchés.
Il y a bien sûr le lourd héritage de l’antisémite historique, chrétien d’abord, français ensuite, poussé au paroxysme sous l’Occupation, prolongé après la guerre par les remugles plus ou moins cauteleux de l’extrême-droite et les élucubrations sinistres des négationnistes de la Shoah. Mais il faut aussi le dire : s’y ajoute un fond d’antisémitisme musulman, lui aussi hérité d’une longue histoire et qui ne tient pas seulement à l’hostilité envers Israël. Un antisémitisme minoritaire, certes, mais répandu, et fouetté par la haine ontologique que distille l’islamisme obscurantiste.
Dans sa charte fondatrice, toujours en vigueur, le Hamas se réclame du « Protocole des Sages de Sion », ce faux programme de domination fabriqué il y a un siècle par la police tsariste et qui circule encore, notamment dans le monde musulman, agrémenté de quelques préjugés éculés sur le « pouvoir juif » dans les médias ou la finance. Préjugés que l’on retrouve encore dans les saillies de dirigeants comme Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, pourtant enclin à la négociation avec Israël, ou Kaïs Saied, le chef de l’État tunisien, pourtant hostile à l’islamisme.
Deux armes contre le fléau : la sanction immédiate, bien sûr, sans faiblesse, dans une stricte application de la loi commune, qui prévoit amendes et peines de prison. L’école ensuite, qu’il faut défendre, protéger, épauler dans son œuvre urgente, de plus en plus urgente, de prévention et de mise en garde, par la diffusion du savoir et des enseignements de l’Histoire, quelles que soient les pressions ou les menaces. Enfin une troisième, peut-être la plus précieuse : la conscience de tous les républicains, qui doivent aux Français juifs une inflexible solidarité.