Le fond de l’air est brun
Quatre jours de violence n’ont pas seulement causé les dégâts humains et matériels que l’on sait. Ils ont aggravé la situation politique
Les effets politiques des émeutes de ces derniers jours ? Pas besoin d’être grand clerc pour les prévoir. La grande gagnante de l’affaire est celle qui a le moins parlé : Marine Le Pen. Sa discrétion est d’une imparable logique, puisque les événements se sont chargés de la servir sans qu’elle ait grand-chose à faire ou à dire. Certes, cinq minutes de réflexion montrent que cette position de force repose sur des sophismes. Mais ce sont des sophismes efficaces.
Il flotte sur le pays un désir d’ordre et de sécurité, dont le RN a fait un cheval de bataille. En fait, c’est un excès policier qui a déclenché les émeutes, et non un manque de zèle. Peu importe : l’extrême violence des émeutiers a rejeté au second plan la question des méthodes policières, sur lesquelles il y a pourtant beaucoup de choses à dire.
L’extrême-droite incrimine tout autant l’immigration, dont sont issus une bonne partie des auteurs de violences. En fait, les jeunes qui ont réagi – fort mal – à la mort de Nahel sont nés en France, souvent de parents eux-mêmes français. Peu importe pour une bonne partie de l’opinion, ils viennent des cités, et donc d’un monde étranger.
Les attaques contre les commissariats, les écoles, les bâtiments publics traduisent une vindicte envers les symboles de l’autorité et de l’État, ce qui alimente évidemment l’idée d’une « crise de civilisation » diagnostiquée par l’extrême-droite.
En fait, les injustices sociales jouent un rôle crucial dans le ressentiment qui s’exprime et la gauche a raison de le rappeler. Mais il est difficile de prêcher la solidarité envers les cités quand elles viennent de susciter avant tout la peur et la méfiance.
Ainsi le RN progresse dans les esprits sans effort particulier. En face, les réponses tournent à vide. La droite se rallie de facto aux thèses du RN et la gauche dominée par Jean-Luc Mélenchon doit maintenant se défendre d’avoir encouragé la violence. Le gouvernement tente de colmater les brèches, mais la multiplication des crises – terrorisme, gilets, jaunes, retraites et émeutes – fait planer sur lui le soupçon de déconnection vis-à-vis du pays.
Une gauche réaliste pourrait parler d’une voix audible, proposer des solutions au mal-être des cités, mettre en avant une politique de sécurité crédible qui correspond aux demandes des classes populaires, quelle que soit leur origine. Mais elle est étrangement muette, à l’exception du courageux Fabien Roussel. Va-t-elle se ressaisir ? L’urgence est là.