Le Front Républicain au pouvoir !

par Valérie Lecasble |  publié le 04/12/2024

En plaidant pour une coalition allant de la gauche jusqu’aux LR, Boris Vallaud s’est attiré les foudres de LFI qui défend la stratégie du chaos. Un pas décisif vers la rupture entre les socialistes et les insoumis.

Le président du groupe parlementaire socialistes et apparents Boris Vallaud prononce un discours lors du débat précédant les votes de censure sur l'administration du Premier ministre Michel Barnier à l'Assemblée nationale à Paris le 4 décembre 2024.(Photo Alain JOCARD / AFP)

Il n’est pas député mais il était venu à l’Assemblée Nationale assister à la mise à mort de Michel Barnier, exécuté par son ami Eric Coquerel avant que Marine Le Pen ne l’achève. Jean-Luc Mélenchon a quitté l’hémicycle quand Boris Vallaud est monté à la tribune, comme s’il voulait à l’avance dénoncer ce qu’allait proposer le président du groupe socialiste.

Boris Vallaud, en effet, a proposé un changement radical de méthode. Il souhaite convaincre ses collègues de ne plus baiser les babouches du Rassemblement National et préconise d’isoler le parti de Marine Le Pen en reconstituant le Front Républicain qui lui a fait barrage le 7 juillet, au deuxième tour des élections législatives.

Ainsi, propose-t-il la constitution d’une coalition gouvernementale qui irait de la gauche jusqu’aux Républicains et exclurait le seul RN. Ceci, grâce à une « nouvelle méthode » où cette coalition élaborerait un « pacte de non-censure » qui s’accorderait à faire des compromis, texte par texte, à partir de priorités définies ensemble. « Nous ne changeons pas d’alliance, nous proposons un nouveau chemin méthodologique où le bloc central devra choisir entre l’extrême-droite et la gauche en vue de compromis républicains à l’Assemblée nationale », insiste Vallaud.

De quelles priorités parle-t-il ? Il pourrait s’agir de la santé, des services publics, ou surtout du pouvoir d’achat pour lequel la gauche souhaite convoquer une conférence salariale tripartite avec le patronat, les syndicats et l’Etat, avec pour objectif une hausse de 10 % du salaire minimum. La fin de vie, les déserts médicaux ou l’aide aux familles monoparentales seraient d’autres pistes de consensus. Boris Vallaud, rejoint par le communiste André Chassaigne, ou l’écologiste Yannick Jadot, propose qu’un Premier ministre de gauche prenne les rênes de cet attelage.

A peine énoncée, cette proposition a été vouée aux gémonies par la députée insoumise Aurélie Trouvé, qui dénie à la gauche toute velléité de rapprochement avec le bloc central. A la tribune de l’Assemblée, Gabriel Attal invective lui, Jean-Luc Mélenchon qui a snobé l’intervention de Boris Vallaud et appelle les socialistes à rompre avec LFI pour le rejoindre.

On le voit, ce Front Républicain se heurte à un double défi : surmonter l’oukase de La France Insoumise ; s’accorder sur l’origine du futur Premier ministre, qui peut venir de la gauche ou du bloc central. Avec cet écueil supplémentaire : la gauche peut-elle renoncer à l’abrogation de la loi sur les retraites ?

On peut douter que le « chemin méthodologique » tracé par Boris Vallaud ait une chance d’aboutir. La cote de Sébastien Lecornu, un ancien LR, ou celle de François Bayrou pour accéder à Matignon semblent beaucoup plus élevées. Ayant promis de nommer un Premier ministre en vingt-quatre heures, Emmanuel Macron n’a pas le temps de tergiverser et risque fort de choisir un de ses proches.

N’empêche que l’idée est lancée. En 2007 et en 2012, François Bayrou, on s’en souvient, a appelé à voter au second tour pour le candidat de la gauche à l’élection présidentielle, Ségolène Royal puis François Hollande. Le rendez-vous est donc pris : les socialistes sont tentés de choisir le Front Républicain contre le Nouveau Front Populaire. Et s’il s’appelait François Bayrou, le nouveau Premier ministre, pourrait jouer la carte du Front Républicain pour isoler le Rassemblement National et – pourquoi pas ? – La France Insoumise, qui resterait sur son Aventin pour ruminer ses rêves de grand soir.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique