Le gang de Sarko
La lourde réquisition contre l’ex-président de la République et la multiplication des affaires dont il est l’objet font soupçonner un système de corruption en bande organisée à l’œuvre pendant les années Sarkozy. Avec la complicité de ses plus proches et l’implication d’intermédiaires sulfureux.

Bien sûr, les avocats de la défense vont plaider l’absence de preuves. Bien sûr, Nicolas Sarkozy se dit victime d’un acharnement du parquet national financier depuis treize ans. Bien sûr, les commentateurs vont crier au complot de juges gauchistes contre la droite. Bien sûr, on dira qu’en matière de financement politique, il n’a pas été le seul à sortir des clous.
Mais tout de même ! Au terme d’un réquisitoire implacable au cours duquel le procureur a désigné pendant deux jours et demi l’ex-président de la République comme le commanditaire d’un pacte de corruption destiné à faire financer sa campagne présidentielle de 2007 par des fonds libyens, on s’interroge sur l’étrange composition de l’entourage de Nicolas Sarkozy.
Un « faisceau d’indices » ne sont pas des preuves clament ses partisans. Deux éléments clés apparus au cours du procès pourraient les contredire. Le premier, ce sont les carnets de Choukri Ghanem, du nom de l’ancien ministre libyen du pétrole retrouvé mort dans le Danube, dans des circonstances inexpliquées, dont l’agenda saisi par hasard chez son gendre affirme que les Libyens auraient envoyé 1,5 million d’euros puis 3 millions à Nicolas Sarkozy. Le second est l’annotation « campagne NS » retrouvée dans le carnet de Thierry Gaubert, son ami qui a réceptionné un versement de 440 000 euros sur un compte aux Bahamas en provenance d’un certain Ziad Takieddine, par qui transitaient les fonds libyens vers la France.
Pas de preuves ? Sept années de prison ont été requises à l’encontre de Nicolas Sarkozy, six ans pour Claude Guéant, son directeur de cabinet à l’Intérieur, et trois ans pour son ami intime Brice Hortefeux, dans le cadre d’un système que le procureur décrit comme une « association de malfaiteurs », et dont les chevilles ouvrières auraient été les deux sulfureux intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri, eux-mêmes sous la menace respectivement de six et cinq années de prison ferme.
Cinq affaires en cinq ans…. Nicolas Sarkozy a déjà dû affronter notamment le scandale des enveloppes distribuées aux hommes politiques par Liliane Bettencourt, où il a obtenu un non-lieu ; celle des écoutes téléphoniques, dites « Bismuth », où il a été condamné à un an de prison ferme ; et bientôt Bygmalion dont on attend le prochain arrêt de la Cour de cassation. Et désormais, le financement libyen de sa campagne de 2007 dont les lourdes réquisitions laissent poindre le spectre de la prison, lui qui porte déjà un bracelet électronique sur le banc des accusés du procès…
Son plus proche collaborateur, Claude Guéant, s’y est déjà frotté, lui qui a été placé en détention en 2022 pour ne pas avoir payé son amende dans l’affaire des primes de cabinet du ministère de l’Intérieur dont il aurait gardé plus de la moitié pour lui. Sans parler de l’inexplicable vente de deux de ses tableaux pour dix fois leur prix lorsqu’il a eu besoin d’argent pour acquérir un nouvel appartement, ceci en lien avec le financement libyen via l’Arabie Saoudite.
Dans les affaires de corruption, ces circuits financiers sont obscurs et difficiles à prouver en raison de l’ingéniosité financière d’experts du transfert international des fonds tels que Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri. À quelles règles obéissaient Nicolas Sarkozy et ses amis ? Takieddine et Djouhri, deux intermédiaires de talent qui auront leur rond de serviette lorsque Sarkozy accédera à l’Élysée, ont-ils ouvert les vannes de l’argent facile et illégal à la bande à Sarko, laissant s’y engouffrer les Guéant, Hortefeux, Gaubert, Woerth et autres Rachida Dati ? Dans un curieux mélange d’ambition de pouvoir et d’attirance pour les riches pays arabes.
La sophistication des circuits financiers devait les protéger. C’était sans compter avec la ténacité des enquêteurs qui ont consacré plus de dix années à décortiquer chacune des pistes qui alimenteront la force du réquisitoire. Place à présent à la défense qui va tenter de les démonter en plaidant l’absence de preuves.