Le jour noir des progressistes

par Laurent Joffrin |  publié le 06/11/2024

Donald Trump sera de nouveau président des États-Unis en janvier prochain. Cet événement planétaire doit faire réfléchir tous ceux qui tiennent un tant soit peu aux valeurs démocratiques.

Les partisans de l'ancien président et candidat républicain à la présidentielle Donald Trump célèbrent alors que Fox News le déclare prochain président des États-Unis lors d'une soirée électorale au Convention Center à West Palm Beach, en Floride, 6 novembre 2024. (Photo Jim WATSON / AFP)

La victoire qui se profile est massive pour Trump, la défaite cinglante pour Harris. Non seulement l’ancien président surpasse nettement sa rivale en nombre de grands électeurs, mais il semble bien qu’il soit aussi majoritaire en voix dans l’ensemble du pays. Quant à son parti, il remporte aussi la majorité au Sénat. Avec une Cour suprême dominée par les conservateurs, Trump détient ainsi tous les leviers du pouvoir fédéral aux États-Unis. La démocratie américaine voit s’ouvrir devant elle quatre années de politique réactionnaire, dont les victimes seront d’abord les femmes et les immigrés, et les grands bénéficiaires la classe riche, les hommes blancs et les fanatiques religieux.

Ainsi un milliardaire condamné en justice, maniant sans cesse le mensonge, l’insulte et l’outrance, au penchants racistes et autoritaires, l’emporte sur une candidate qui a prêché la raison, la tolérance et l’apaisement. Cet événement planétaire doit faire réfléchir tous ceux qui tiennent un tant soit peu aux valeurs démocratiques.

On glosera à l’infini sur les erreurs du camp démocrate, qui n’a pas su proposer un projet mobilisateur pour ce pays angoissé, se contentant de mettre les électeurs en garde contre la dangereuse personnalité de leur adversaire. On invoquera l’influence évangéliste, le vote-sanction de certains électeurs musulmans, le backlash traditionnaliste dans la minorité latino, etc. Mais l’essentiel n’est pas là. Si les Américains ont choisi Trump, c’est au nom d’un double slogan simplissime, qui est le mot d’ordre de tous les nationaux-populistes du monde : « on est chez nous ! On est nous ! ».

Autrement dit un réflexe identitaire irrésistible, suscité par l’immigration qu’on amalgame à la délinquance (« ils mangent des chats et des chiens… »), par l’ouverture des frontières à une mondialisation angoissante et par l’évolution rapide des mœurs qu’on impute à ce mot sommaire mais efficace, le « wokisme », le tout étant imputé à des élites coupées de la population.

À ces affects puissants, on ne répondra pas avec des bonnes paroles, des réfutations froidement rationnelles ou en tombant dans le vertige de la radicalité qui minorisera encore plus le progressisme. Un projet pour la nation déclinante, un changement d’attitude à l’égard des classes populaires, une politique migratoire humaine mais crédible, une stratégie de lutte contre l’insécurité, ce sont les pistes évidentes d’un nouveau projet pour les démocrates de tous les partis, à gauche notamment.

Laurent Joffrin