Le livre-missile de Bardella
Le prochain livre du leader d’extrême-droite, Ce que je cherche, suscite des polémiques qui peuvent déboucher sur un succès. De quoi inquiéter Marine Le Pen…
Il a déjà provoqué le licenciement de deux personnes. Celui du journaliste Jean-François Achilli, mis à pied de Radio France et qui n’a jamais retrouvé son poste d’animateur de la célèbre émission Les Informés pour avoir échangé avec lui afin d’envisager de lui prêter main forte. Et celui d’Isabelle Saporta, la présidente de la mythique maison d’édition Fayard, parce qu’elle n’a pas voulu prêter la main à sa publication.
Le livre de Jordan Bardella paraît le 9 novembre : il continue de provoquer des remous. Cette fois, par la voix de leurs syndicats, ce sont les cheminots qui ont lancé une pétition contre le projet de Vincent Bolloré qui détient Fayard, qui prévoit de financer 600 affiches publicitaires dans les gares françaises pour faire la promotion de Ce que je cherche, titre de l’ouvrage du leader du Rassemblement National.
« Alors que la SNCF a une histoire de lutte contre l’extrême-droite, ayant subi d’énormes sacrifices, y compris la perte de plus de 7 500 cheminots sous le régime nazi et l’exécution de son premier secrétaire Pierre Sémard (…) les gares de la SNCF ne doivent pas servir de vitrine pour promouvoir l’extrême-droite », y est-il écrit. Dans son sillage, leurs collègues de la RATP s’inquiètent à leur tour à l’idée de voir des affiches à la gloire de Bardella s’étaler sur les murs du métro.
Dans son autobiographie, Jordan Bardella relate son parcours, ses origines et son « amour de la France ». Avant même sa parution, le livre suscite l’indignation. Rien de surprenant, compte tenu de la personnalité de l’auteur, doublée par le pedigree de son éditeur, Nicolas Diat, directeur de collection chez Fayard. Celui-ci a débuté à l’Institut François Mitterrand avant de devenir conseiller de Laurent Wauquiez ; il compte à son palmarès la publication de J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, pour lequel son auteur, Philippe de Villiers, a été accusé de plagiat et visé par une pétition d’un collectif d’universitaires et d’historiens dans Le Monde sur le thème « Philippe de Villiers n’a pas le droit de falsifier l’histoire de l’Union européenne au nom d’une idéologie ».
Son deuxième auteur fétiche, le cardinal Robert Sarah, avec qui il a co-écrit La force du silence, préfacé par le pape Benoît XVI, est critiqué jusqu’au sein même de l’église catholique pour son intégrisme radical. La Une que Paris-Match lui a consacré du temps de Vincent Bolloré a déclenché les protestations des journalistes de l’hebdomadaire.
Ces polémiques pourraient paradoxalement servir la diffusion du livre de Jordan Bardella, qui fait aussi le buzz grâce à une vidéo-teasing sur le thème : pas besoin de partager mes idées, je vous raconte juste « ce que je cherche ». Si l’on ajoute à ce tumulte préalable le tirage initial du livre et la mobilisation des commerciaux pour sa vente, tous les ingrédients d’une promotion à la Sarkozy sont réunis.
Ce succès annoncé contraste avec la passe difficile que traverse Marine Le Pen dans son procès pour emplois fictifs des parlementaires du RN, où tout porte à croire qu’elle sera condamnée. Inéligible ? Ce sera aux juges d’en décider. Mais pendant ce temps, son jeune poulain poursuit son envol, publiant avec aplomb une biographie à sa propre gloire à l’âge de… 29 ans. Tandis que 27 collaborateurs du RN comparaissent devant les tribunaux, lui est passé entre les gouttes. Non seulement il a été exempté du banc des accusés mais le voici propulsé auteur d’un possible best-seller très politique. De quoi rebattre le casting de la prochaine présidentielle ?