Le Mali sous la botte des militaires putschistes

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 15/04/2024

La junte au pouvoir, liée à la Russie, refuse les élections, taxe les partis contestataires d’ennemis du Mali et interdit aux médias d’en parler…

Le colonel Assimi Goïta, à Bamako, au Mali, chef de la junte qui viet d'annoncer la suspension de toutes les activités politiques des partis - Photo OUSMANE MAKAVELI / AFP

Croyait-on vraiment à la tenue des élections du 26 mars 2024. La date est déjà passée et la junte militaire au pouvoir sous la direction du colonel Assimi Goïta n’a pas l’intention de revenir de sitôt à la légalité constitutionnelle. Argument avancé : des élections supposent un retour à une sérénité que le Mali n’aurait pas encore retrouvée, faute d’aboutissement du « dialogue national ». Étrange argument, alors même que le chef de la junte et son Premier Ministre Choguel Maïga, affirment haut et fort que le pays est désormais sous contrôle, rappelant en particulier la « grande victoire » de la reconquête de Kidal en novembre 2023. Ce succès serait d’ailleurs dû, selon eux, à la rupture avec la France en 2022 et l’aide à la fois politique et militaire de la Russie.

Les démocrates « ennemis du Mali »

Pour autant, tous ceux qui croiraient que la date du 26 mars aurait pu être tenue, comprendre les partis politiques, l’opposition, les médias, sont victimes « d’angélisme démocratique ». Ils doivent donc être considérés comme des… « ennemis du Mali ».

D’où la décision récente de suspendre pour « discussions stériles » et « subversion » les activités des partis politiques et d’interdire aux médias de les couvrir.

Ces décisions, presque quatre ans après la prise de pouvoir par Assimi Goïta, confirment qu’il n’a pas l’intention de le lâcher. Officiellement la « transition démocratique » continue. En réalité, elle est à durée indéterminée.

Cette situation n’a rien de surprenant après ses multiples ruptures, avec la France, mais aussi avec ses autres partenaires occidentaux et le renvoi de la Mission de l’ONU, la Minusma.

Cette ligne est d’abord commandée par une situation militaire qui, malgré les affirmations du pouvoir, continue à se dégrader. L’emprise des groupes djihadistes se maintient voire s’accroit, sous l’effet de l’incapacité de la junte à donner aux populations du pays d’autres solutions que militaires. Un djihadisme, de plus en plus endogène, dont il est douteux que le Mali puisse rapidement l’éradiquer.

Une junte liée à la Russie

Le Mali a en outre noué une alliance non seulement militaire, mais aussi économique, voire financière, avec la Russie et ses alliés. Et ce ne sont pas eux qui l’inciteront à revenir rapidement à des élections « démocratiques ». La situation est comparable dans les autres États du Sahel, au Burkina Faso ou au Niger où le phénomène d’emprise de la Russie se confirme chaque jour, témoin la nouvelle « Alliance des États du Sahel » (AES), au grand dam d’une Cédéao partant en lambeaux. Si l’on prend en compte les accords économiques de la Guinée avec la Chine, l’évolution possible d’un Sénégal vers une « souveraineté » nouvelle, l’Afrique de l’Ouest est en pleine mutation politique. Ne restent plus guère dans l’orbite de l’emprise occidentale que les États riverains du Golfe de Guinée ( notamment Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, Gabon).

Mais jusqu’à quand ? Eux aussi subissent la pression tant des djihadistes que d’autres grandes puissances ?

Jean-Paul de Gaudemar

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