Le « modèle Meloni » : une réussite, vraiment ?
La présidente du Conseil italien se targue d’une réussite spectaculaire dans la mise en place d’une nouvelle politique migratoire. C’est un fait que les chiffres ont baissé. Mais à quel prix ?
A première vue, la politique migratoire de « La Meloni » semble efficace. Les arrivées d’immigrés sur les côtes italiennes sont tombées à 41.181 personnes pour les huit premiers mois de l’année, contre 113.877 en 2023. « Cette chute brutale n’est pas due au hasard », soutient-on au Palazzo Chigi, le Matignon péninsulaire, qui vante ce « modèle Meloni », que la présidente italienne du Conseil souhaite étendre à l’Europe
Pour Meloni et ses ministres, le système qu’elle a mis en place ressemble à celui de Pedro Sánchez, le premier ministre social-démocrate espagnol. Aucun blocus naval, aucune fermeture de frontière, mais des accords rigoureux avec les pays d’origine, qui permettent d’accueillir les migrants « réguliers », mais de refouler les « irréguliers ». Giorgia Meloni a ainsi signé des accords avec la Libye, la Tunisie, l’Égypte et l’Albanie. Le tout assorti d’un plan à long terme, le « plan Mattei » pour toute l’Afrique, destiné à déraciner les causes des migrations en soutenant la croissance économique.
Les expulsions de migrants arrivée en Italie, plaident les officiels, sont difficiles à pratiquer : elles supposent l’existence d’un accord bilatéral avec les pays d’origine, toujours réticents à reprendre leurs ressortissants quand ils cherchent à émigrer. Car une fois installés en Europe, ceux-ci renvoient chez eux des subsides qui soutiennent l’économie locale. D’où le resserrement des critères d’accueil en Europe. L’Italie s’efforce de repousser les migrants embarqués sur les bateaux des ONG, en accusant ces dernières de stimuler le processus migratoire. Seuls sont admis ceux qui ont été recueillis en mer par des bateaux de la douane et de la marine italienne. Les autres sont déroutés vers des ports plus lointains.
Pour parfaire son dispositif, Giorgia Meloni a mis en avant « la solution albanaise ». En novembre 2023, elle a signé avec son homologue de Tirana, de l’autre côté de l’Adriatique, un projet de « centres d’accueil » italiens en terre albanaise, exclusivement construits et gérés par l’Italie. Ceux-ci devaient être inaugurés en mai, puis en août, pour entrer finalement en service en ce mois d’octobre. Ils offriront quelque 5000 places d’accueil pour les cinq prochaines années, avec un personnel hôtelier et médical venu d’Italie et payé par elle. Les candidats à l’immigration devront se diriger vers ces centres (et non vers les ports italiens), pour présenter leur demande d’asile (contrairement aux conventions internationales, qui stipulent que les demandes d’asile doivent être examinées dans le pays d’arrivée).
C’est là que le bât blesse. Outre le coût de ces centres, qui s’élève déjà à 670 millions d’euros, ils aboutissent à mettre en place une sélection discriminatoire. Ne sont acceptés que les migrants secourus dans les eaux internationales et transportés par la Marine ou la Douane italiennes ; les éléments masculins sont préférés au détriment des femmes et des enfants. Les partis d’opposition remarquent aussi que les contrats bilatéraux avec le Maghreb et l’Afrique servent en fait à soutenir financièrement des régimes autoritaires chargés de faire le « sale boulot » et qui se frottent les mains en encaissant d’authentiques prébendes, tout en infligeant aux migrants un traitement brutal, voire inhumain. En Tunisie, par exemple, les exilés sont maltraités par les autorités et renvoyés sans ménagement dans les pays plus au sud. Il est vrai que le président tunisien, Kaïs Saied, est un adepte de la théorie du « grand remplacement » chère à Éric Zemmour…