Le mythe d’une « union de la gauche sans Mélenchon »

publié le 23/05/2024

La percée de la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ouvre une perspective nouvelle : celle d’une gauche débarrassée du boulet LFI

Laurent Joffrin

Dans le « rolling » du Figaro, Glucksmann n’est plus qu’à un point de Hayer ; pendant ce temps, LFI végète à 7-8 %, c’est-à-dire à sa place naturelle. Ce qui explique l’agressivité croissante des mélenchonistes envers le candidat soutenu par le PS.

Manon Aubry avait honteusement accusé Glucksmann de « se remplir les poches » grâce aux lobbys, calomnie passée sous silence depuis, sans aucune excuse, bien sûr. Elle a ensuite pondu une lettre, moins insultante dans le ton, mais où elle lui reproche néanmoins de trahir la gauche. Voici maintenant Clémence Guetté, porte-parole mélenchoniste, qui publie un réquisitoire en bonne et due forme contre le programme européen du social-démocrate, bulle d’excommunication tissée d’approximations, de fake news et de coups bas. Et ces jeunes femmes se réclament de l’Union de la Gauche !

Il y a néanmoins une part de vérité dans ces invectives. Ces responsables de LFI reprochent à Glucksmann de ne pas partager les options de la NUPES. Elles ont raison. Il est impossible à un quelconque social-démocrate conséquent de cautionner un projet qui prévoit la sortie du nucléaire, mesure anti-climat manifeste. Il lui est impossible de défendre fallacieusement le retour à la retraite à 60 ans pour tous avec 40 annuités, alors que l’espérance vie en bonne santé a gagné plusieurs années et que la mesure existe déjà pour les travailleurs qui ont commencé très tôt, grâce à Hollande. Il lui est impossible, enfin, de souscrire à une augmentation démagogique des dépenses publiques, dont le financement repose sur l’idée que le budget de la nation est une corne d’abondance. Le reste à l’avenant.

Tenir sa ligne

Le bon score de Glucksmann, désormais très probable, montre qu’un électorat de gauche attaché à la Raison, rétif aux errements populistes, mais aussi distinct des macronistes bêlants, peut se cristalliser sur une candidature socialiste crédible. À condition que ce courant ressuscité tienne sa ligne. En effet, il est impossible de revenir à la tactique transitoire de la NUPES, qui n’avait d’autre objet que de consacrer la domination de LFI sur la gauche, en échange de quelques sièges pour les leader socialistes de l’époque.

Aussi bien, l’idée d’une « NUPES sans Mélenchon » n’a aucun contenu. Ni Clémentine Autain, ni François Ruffin, ni Alexis Corbière, ni aucun de ces « mélenchonistes à visage humain » n’ont condamné, de près ou de loin, les calembredaines du lider maximo, ni ses saillies proto-Hamas. Pour se distinguer de Mélenchon, il faudrait que ces personnages, certes plus honorables, encourent le risque d’une fatwa du guide suprême, ce qu’ils se sont gardé de faire. Hors de l’Église insoumise, point de salut.

Il n’y a d’union de la gauche possible que sur des bases non-populistes et non-mélenchonistes. Il faut donc s’adresser non aux apparatchiks, englués dans la démagogie, mais aux électrices et aux électeurs de gauche en général. Ce qui veut dire qu’une fois la réussite de la liste Glucksmann assurée (ce n’est pas encore fait), il faut tenir fermement sur une ligne sociale-démocrate crédible et non se perdre de nouveau dans des palabres avec les démagogues de la gauche radicale. Le reste viendra de surcroît.