Le nationalisme, poison européen

par Boris Enet |  publié le 05/10/2024

Au cœur de l’Union Européenne, la poussée de l’extrême droite est massive.

Que comprendre de ces mutations où les convergences l’emportent sur les dissonances ? Réponse en quatre leçons.

Björn Höcke, leader de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), lors d’un meeting le 19 septembre 2024 à Cottbus, en Allemagne. (Photo de Sean Gallup/Getty Images via AFP)

Premier enseignement : les clivages s’uniformisent. Longtemps cantonnée aux territoires fragiles, la marée brune s’étend désormais partout. Si elle reste plus menaçante dans les territoires ruraux, en Autriche, dans les Länder allemands ayant voté en septembre – Saxe, Thuringe, Brandebourg – ou en France lors des dernières législatives, elle atteint désormais les milieux protégés des centres urbains et en particulier l’électorat des plus jeunes. Léger espoir, les grandes métropoles échappent encore aux poussées nationalistes : Berlin demeure acquis à la gauche depuis la réunification, Vienne résiste et place en tête les sociaux-démocrates, avec 29,9%, devant les Grünen avec 12% et les néo-libéraux Neos avec 11,1. Paris et les métropoles françaises sont elles aussi à l’unisson.

La seconde leçon tient en une forme de réflexe, intégré par l’électorat, prêt à dresser des digues démocratiques pour empêcher le pire. Dans tous les derniers scrutins, les forces de la gauche de gouvernement, socialiste et sociale-démocrate, regagnent du terrain au détriment des gauches de contestation, de Die Linke à LFI. Les écologistes voient leur influence réduite, concurrencés par les tenants de la désobéissance civile et par leurs alliés dominants, de gauche ou de droite dans certains Länder allemands. Volonté manifeste de l’électorat de ne pas éparpiller les voix en vue de futures coalitions. Evincé du Parlement de Saxe, de l’exécutif en Thuringe, les lointains héritiers du stalinisme, s’effondrent.

Troisième enseignement, le logiciel est commun aux nationalistes bruns. La « remigration », adoptée par l’AfD allemande et le FPÖ autrichien, la haine des immigrés et « le grand remplacement » en France peuplent leurs obsessions partagées. Voilà l’état de la « dédiabolisation » : Höcke, chef de l’AfD en Thuringe, reprend sans ambages le slogan des SA « Alles für Deutschland », Kikel, en Autriche se pare du titre de « Chancelier du peuple », le même qu’un certain Adolf Hitler, et des funérailles se transforment en manifestations nationales-socialistes décomplexées. Pour partie héritières d’anciens nazis et collaborationnistes, ces formations n’ont cessé de dénoncer l’aide à l’Ukraine, de condamner toute sanction contre Poutine et d’entretenir un complotisme multicarte comme le fait l’extrême-droite française. Elles vomissent l’Union et ses institutions.

Enfin, la poussée xénophobe et nationaliste contamine toutes les sphères du débat public. Des arguties de Sahra Wagenknecht, venue de la gauche, aux ballons d’essai nauséabonds de Retailleau contre l’État de droit, la liste des pactes faustiens est longue. La coalition de Scholz, loin de la bravoure de Mutti Merkel en 2015, fait assaut de démagogie sécuritaire. La déliquescence des droites traditionnelles met à jour le péril qui guette. Car si les Bruns, ici et ailleurs, sont encore tenus hors de la scène, rien ne garantit que les droites de Laurent Wauquiez ou Manfred Weber perpétuent cet impératif moral. Comme une sinistre récidive historique.

Boris Enet